France

Budget 2025 : En ne votant pas la censure, le Parti socialiste renvoyé à l’image du « social-traître »

A l’Assemblée nationale,

« Nous sommes à l’heure, et nous avons une ligne ! » Malgré la tension du moment, les socialistes tentent ce mardi un peu d’humour en arrivant dans la salle de presse de l’Assemblée nationale. La veille, le PS a décidé de ne pas voter mercredi la censure du gouvernement Bayrou sur les textes budgétaires. « Nous disons notre opposition mais nous faisons le choix de la responsabilité. Celui de ne pas priver la Nation d’un budget indispensable », précise Emmanuel Grégoire, député de Paris et porte-parole du groupe socialiste. Une stratégie, vivement critiquée par les insoumis, qui a fait ressurgir les accusations de « sociaux-traîtres » qui frappent les socialistes depuis des années.

Des « mensonges à longueur de journée »

« Gesticulation de pleutres. Magouille de traîtres. » Les insoumis n’y sont en effet pas allés de main morte lundi soir sur les réseaux sociaux pour fustiger la stratégie de leurs « camarades ». Ce mardi matin, à l’Assemblée, Mathilde Panot est sur la même lancée : « Voter la censure, c’est s’affirmer dans l’opposition. Si les députés socialistes ne la votent pas, ils confirmeront un changement d’alliance que nous sentons venir depuis quelque temps ». La présidente du groupe insoumis critique les « mensonges répétés à longueur de journée » par les élus PS sur les « concessions » arrachées au gouvernement. « C’est le budget le plus austéritaire depuis vingt-cinq ans, avec 9 milliards de coupes supplémentaires. Et c’est un mauvais coup pour notre économie », ajoute Eric Coquerel, président insoumis de la Commission des finances. Qui rappelle au passage le PS à ses « promesses » de l’été devant les électeurs de gauche.

C’est donc le retour des « sociaux-traîtres », formule inventée par Lénine au siècle dernier pour fustiger les responsables politiques qui auraient trahi les intérêts de la classe ouvrière. Plus récemment, la formule a collé à la peau des socialistes, accusés à intervalles réguliers de renier leurs promesses, notamment lorsqu’ils arrivent au pouvoir. « Je ne dirais pas que la trahison est dans l’ADN des socialistes, mais c’est un processus politique qui intervient lorsque les sociaux-démocrates se bureaucratisent et ne produisent plus d’idées », cingle Hadrien Clouet, le député insoumis de Haute-Garonne. « On l’a connu avec le hollandisme. Et aujourd’hui, le PS trahit le programme de rupture avec le macronisme, sur lequel il a pourtant été élu », poursuit-il.

« Les stratégies différentes, ce n’est pas une trahison »

En se rapprochant de La France insoumise dans le cadre de la Nupes en 2022, puis du Nouveau front populaire cet été, Olivier Faure a opéré un virage à gauche pour le parti à la rose, tentant de dissiper petit à petit les déceptions héritées du quinquennat de François Hollande. Mais depuis que le PS a choisi de négocier avec François Bayrou sur les textes budgétaires, ce qualificatif de « social-traître » a refleuri. « J’ai toujours défendu ce que nous portons. Nous devons faire des compromis, c’est une stratégie différente, mais je ne me suis jamais senti d’un autre camp que celui de la gauche », balaie Arthur Delaporte, le député PS du Calvados.

« Les stratégies sont différentes, mais ce n’est pas pour autant une trahison », soupire Béatrice Bellay, députée PS de Martinique. « C’est vrai que ça peut infuser sur le terrain [l’accusation de sociaux-traîtres]. Mais est-ce que la gauche y gagnera quelque chose ? Certains passent leur temps à instrumentaliser nos positions pour préparer la présidentielle. Nous répondrons par les actes », ajoute-t-elle. Le PS a ainsi indiqué qu’il déposerait une motion de censure spontanée contre le Premier ministre sur les sujets migratoires. Une manière de montrer qu’une fois le budget passé, ils seraient eux aussi prêts à faire chuter Bayrou et ses ministres. Suffisant pour y retrouver la gauche unie ? Ce sera probablement plus facile avec les communistes et les écologistes, bien moins véhéments cette semaine que leurs collègues insoumis.