Budget 2025 : « C’est compliqué ici, hein ? »… Michel Barnier renversé par la gauche et le RN
A l’Assemblée nationale,
Pendant deux heures, Michel Barnier écoute sans ciller, assis sur son banc. Impassible aux attaques du Rassemblement national et de la gauche, le Premier ministre jette par moments un regard sur ses notes, stylo en main. Le geste est mécanique, comme s’il tentait d’échapper à l’infernal brouhaha d’une Assemblée nationale bien agitée. Vers 19 heures, il monte à la tribune, lentement, pour un ultime discours dans l’hémicycle. Ciblé par les motions de censure du Rassemblement national et du Nouveau front populaire, il sait que son destin est déjà scellé.
« La censure rendra tout plus grave »
Au micro, Michel Barnier enfile ses lunettes pour défendre, encore une fois, son texte budgétaire. Mais avant sa prise de parole, le « bloc central » lui offre une standing ovation qui ressemble à des adieux. « Je suis très touché par votre attitude et votre accueil », commence Michel Barnier, pas rancunier avec cette fragile coalition qui ne l’a pas toujours aidé. « J’entendais Gabriel Attal tout à l’heure exprimer le vœu de moins de bruit et plus d’action… ». Les premières huées montent à gauche, il sourit : « C’est compliqué ici, hein ? »
Pendant vingt petites minutes, l’ancien négociateur du Brexit déroule les qualités de son budget tant décrié, qui finira par l’emporter. « Ce texte n’était pas parfait […] mais c’était un bon compromis et il était temps de le mettre en œuvre. C’est pourquoi j’ai engagé la responsabilité de mon gouvernement ». A plusieurs reprises, Michel Barnier parle au passé, conscient qu’il est déjà trop tard. « Cette motion de censure rendra tout plus grave et tout plus difficile », prévient-il seulement les oppositions. S’il semble résigné, c’est que ses adversaires ont déjà tué tout suspense.
« Le chaos est déjà là »
Vers 17 heures, Eric Coquerel critique un budget « de sueur et de larmes présenté aux Français ». Le député insoumis, président de la Commission des Finances, évoque « les chiffres économiques catastrophiques » du pays en soupirant : « le chaos n’interviendra pas avec votre chute, il est déjà là ». Sur la même tonalité, Boris Vallaud cingle les négociations de Matignon avec Marine Le Pen. « Le front républicain (au second tour des législatives) s’est fait sur un seul engagement : ne rien céder à l’extrême droite. Pourtant, c’est avec le seul RN que vous avez négocié. Cette trahison justifie à elle seule la censure », lance le patron du groupe PS.
Du côté du Rassemblement national, les raisons sont différentes, mais le but identique : justifier la censure, même en mêlant ses voix à la gauche. Marine Le Pen attaque « un budget sans cap ni vision, technocratique, qui se contente de dévaler la pente, en refusant de s’attaquer à l’immigration », loin de ses récentes prises de parole pour l’amender. « Les petits pas que vous avez timidement et tardivement tentés ne peuvent être appelés des concessions, ce sont des miettes, a-t-elle justifié. A ceux qui m’accusent de la politique du pire, je veux leur dire : le pire serait de ne pas censurer ».
Trois petits mois et puis s’en va
Les menaces du « bloc central » sur le vertige économique à venir n’y font rien. Gabriel Attal ne peut que constater : « Il semble que l’extrême droite et l’extrême gauche aient décidé de baisser ensemble le pouce comme naguère à Rome lorsqu’il fallait condamner un gladiateur après le combat ». Peu avant 20h30, le couperet tombe. L’Assemblée nationale renverse Michel Barnier et ses ministres avec 331 voix.
Début septembre, lors de la passation de pouvoir avec Gabriel Attal, l’ancien Commissaire européen raillait les « enseignements » de son jeune prédécesseur, qui n’avait « duré que huit mois » à Matignon. Vanté pour ses talents de négociateur du Brexit, Michel Barnier n’aura tenu que trois mois.