Budget 2025 : « C’est certainement un homme habile mais… » Comment François Bayrou a échappé à la censure
A l’Assemblée nationale,
Deux mois après la chute du gouvernement Barnier, François Bayrou affrontait ce mercredi deux nouvelles motions de censure après l’utilisation du 49.3 lundi sur les textes budgétaires. Mais contrairement à son prédécesseur, le Premier ministre centriste n’est pas tombé. « Beaucoup ont dit que le budget n’était pas ce qu’ils espéraient, ça tombe bien car ce n’était pas non plus ce que nous espérions », a lancé le chef du gouvernement en fin d’après-midi. « Nous avons un budget imparfait. Mais c’est une étape d’urgence car notre pays ne peut pas vivre sans budget », a-t-il résumé.
« Votre stabilité, c’est le chaos »
A la tribune un peu plus tôt, c’est Aurélie Trouvé qui porte le fer la première pour le groupe de La France insoumise. « La seule stabilité qu’offre ce budget, c’est la stabilité dans l’erreur. Ce sera la certitude du naufrage économique. Votre stabilité, c’est le chaos et la crise. C’est aussi un naufrage de la démocratie », lance la députée insoumise de Seine-Saint-Denis. Dans l’hémicycle quasiment vide, ses attaques contre le gouvernement sont autant de coups d’épée dans l’eau. Les figures de l’Assemblée ont d’ailleurs laissé la place aux « seconds couteaux », bien conscients que ce mercredi 5 février ne rentrerait pas dans les livres d’Histoire.
Car le Rassemblement national et le Parti socialiste ont fait savoir en début de semaine qu’ils ne voteraient pas la motion de censure des insoumis. Au micro, le député socialiste de Paris Olivier Grégoire a d’ailleurs bien du mal à se faire entendre ce mercredi tant il est malmené par les soutiens de Jean-Luc Mélenchon. « Le bruit et la fureur fragilisent les combats de la gauche. Le NFP n’est pas une instance dominée par un clan et par son chef », indique le socialiste sous les huées des insoumis. Avant d’ajouter : « Dans cette période où le chaos menace et les insultes pleuvent, nous avons choisi démocratiquement de ne pas voter cette censure dans l’intérêt du pays ».
« Il n’y a pas de miracle Bayrou »
Le Premier ministre sauve donc sa peau précisément là où Michel Barnier a échoué. Une réussite de la méthode Bayrou ? « Ce n’est pas Bayrou qui a été plus malin, mais le PS qui l’a moins été. Ils sont entrés dans une logique de négociation et Bayrou a réussi à temporiser », soupire l’insoumis David Guiraud. « Ce n’est pas une réussite pour Bayrou car ce budget est très mauvais. Mais il n’a pas eu ce rapprochement avec l’extrême droite comme l’avait fait Barnier », indique l’écologiste Delphine Batho. Dès sa nomination à Matignon, le maire de Pau a en effet privilégié les négociations budgétaires avec les socialistes pour éviter la chute du gouvernement. « Le Premier ministre a eu cette capacité à rechercher le compromis, mais le crash-test Barnier a permis de faire avancer les positions des uns et des autres et d’ouvrir le dialogue », reconnaît le député MoDem Erwan Balanant.
De nombreux députés croisés ce mercredi à l’Assemblée évoquent d’ailleurs plutôt cette peur de l’instabilité plutôt que les talents de négociateurs du maire de Pau. « Il n’y a pas de miracle Bayrou. L’impact économique néfaste de la censure a pesé. Et ces dernières semaines, bon nombre d’élus ont senti la pression de leurs électeurs pour voter le budget », dit Harold Huwart, porte-parole du groupe centriste Liot. « Bayrou est certainement un homme habile, mais c’était plus facile de négocier aujourd’hui avec le PS et sa volonté d’émancipation du NFP qu’il y a deux mois, quand les mêmes disaient »c’est Lucie Castets à Matignon ou rien » », abonde Vincent Jeanbrun, député LR du Val-de-Marne.
Mardi matin, les députés avaient eu la drôle de surprise de voir apparaître quelques secondes un François Bayrou tout sourire, salle des Quatre colonnes à l’Assemblée, saluant des journalistes. Une présence inédite, comme un pied de nez pour montrer à ses adversaires que sa chute ne serait pas pour tout de suite.