Bruno Retailleau : Le bras de fer avec l’Algérie, un « bourbier » pour sa campagne LR ?

Le bras de fer peut-il se transformer en « bourbier » ? Depuis son entrée au gouvernement, Bruno Retailleau a fait du dossier algérien un marqueur de son action au ministère de l’Intérieur. Le locataire de Beauvau, également candidat à la présidence LR, multiplie les déclarations musclées, notamment depuis l’incarcération mi-novembre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Vendredi, le gouvernement a établi une première liste d’une soixantaine de ressortissants algériens qu’il souhaite expulser. Mais la demande a été de nouveau balayée ce lundi par le pouvoir algérien. De quoi l’affaiblir dans son duel face à Laurent Wauquiez les 17 et 18 mai prochains ?
Pression sur l’Algérie
Au ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau tente donc d’incarner une ligne de fermeté sur les questions régaliennes. « Je peux vous assurer qu’il dit la même chose que lorsqu’il est entré à l’Assemblée en 1994. Sa principale force est là : chez lui, il n’y a pas de posture, pas de langue de bois, pas de virage », souligne Marc-Philippe Daubresse, sénateur Les Républicains du Nord. Sur les sujets de sécurité et d’immigration, Bruno Retailleau a très vite mis la pression sur le gouvernement algérien, notamment après l’attaque au couteau de Mulhouse, le 22 février, par un Algérien de 37 ans en situation irrégulière.
« Il a considéré que l’Algérie était un point clé pour avoir des résultats », ajoute le sénateur, alors que le pays refuse d’accepter ses ressortissants sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Bruno Retailleau a durci le ton à plusieurs reprises, évoquant « une riposte graduée » dans les représailles, qui pourraient aller jusqu’à la remise en cause des accords de 1968 avec l’Algérie. Un ton de fermeté – sur ce sujet comme sur d’autres – qui lui a permis de bondir dans les sondages. Au point de faire du Vendéen le favori pour devenir le prochain patron de la droite face à Laurent Wauquiez.
« Retailleau, c’est un solide granit »
Alors depuis l’annonce surprise de sa candidature le 12 février, le camp du député de Haute-Loire ne cesse d’attaquer le ministre sur son appartenance au gouvernement macroniste. « Retailleau a une solidarité gouvernementale, Wauquiez a une solidarité avec les adhérents », sourit une proche de second. « Tout ne nous convient pas au gouvernement Bayrou. Il faut que le futur président de notre parti soit capable de le dire », ajoute prudemment Eric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes. Sur l’Algérie et d’autres thématiques, le ministre de l’Intérieur a plusieurs fois été désavoué par certains de ses collègues. Emmanuel Macron a lui-même tempéré les déclarations tapageuses du Vendéen, perçu comme le « ministre de la haine » de l’autre côté de la Méditerranée.
« « Est-ce que vous avez l’impression qu’il a mis sa langue dans sa poche, ou qu’il a mangé son chapeau depuis qu’il est ministre ? J’ai plutôt l’impression que c’est Bayrou qui vient sur sa ligne, réplique Marc-Philippe Daubresse. Retailleau, c’est un rocher, un solide granit, sur lequel les gens viennent s’accrocher dans ce gouvernement. C’est donc bien une force pour la présidence LR ». »
« Agir ou partir ? »
Mais en insistant autant sur l’Algérie, Bruno Retailleau s’est lui-même mis sous pression d’obtenir des résultats. Car si les militants de droite apprécient que leurs chefs montrent les muscles, ils n’en seraient que plus déçus s’ils ne s’avéraient être que des coups de menton médiatiques. « Beauvau peut être un tremplin, on l’a vu avec Nicolas Sarkozy par le passé. On sent qu’il se passe quelque chose avec Bruno Retailleau depuis cet été, qui est passé de 27 % d’opinions favorables à 50 % », remarque Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. « Son style plaît aux Français. Ils ont le sentiment qu’il s’attaque à des sujets qui les préoccupent. Mais l’absence de résultats, sur l’Algérie notamment, pourrait avoir des conséquences négatives », ajoute le sondeur.
D’autant que le ministre de l’Intérieur est également mis sous pression à sa droite par le Rassemblement national. « Engager le bras de fer ou se coucher. Agir ou partir ? Bruno Retailleau est ce soir au pied du mur », a lancé sur X le patron du RN lundi soir. Le ministre avait fait savoir ce week-end qu’il était prêt à démissionner si la France cédait sur le dossier algérien. Ce que n’a pas manqué de lui rappeler son rival dans la bataille de la droite. L’intéressé a, lui, écarté toute démission pour le moment, s’en tenant à sa ligne de « riposte graduée ». « Il a voulu instaurer un bras de fer de manière un peu artificielle avec l’Algérie, mais après plusieurs mois, il n’y a aucun résultat. L’Algérie, ça va être un bourbier pour lui », souffle un membre du bureau politique, soutien de Wauquiez.