France

Bretagne : L’État et les algues vertes tenus responsables de la mort d’un homme

Les algues vertes tuent. Des sangliers, des chevaux, la biodiversité. Mais les algues vertes tuent aussi des hommes. Depuis la mort de Jean-René Auffray en 2016 dans une vasière tapissée d’algues vertes, l’État français tentait de nier l’évidence. Oui, le joggeur de 50 ans a bien été asphyxié par les émanations d’hydrogène sulfuré se dégageant des algues en putréfaction. Ça, la famille du Breton le savait déjà. Mais la justice ne l’avait pas encore reconnu. La cour administrative d’appel de Nantes vient pourtant de leur offrir une immense victoire en condamnant l’État et en retenant sa responsabilité. Une avancée énorme pour tous ceux qui se mobilisent depuis près de dix ans pour obtenir la vérité.

En 2016, le corps de Jean-René Auffray avait rapidement été inhumé avant d’être exhumé quinze jours plus tard, sous la pression d’associations locales, persuadées que les algues vertes étaient à l’origine de la mort. L’autopsie avait confirmé que le joggeur, qui était en bonne santé, était décédé d’une insuffisance respiratoire brutale. Sauf que le lien ne pouvait être clairement établi, notamment parce que l’examen n’avait été réalisé que deux semaines après la mort. En 2022, le tribunal administratif de Rennes avait rejeté les demandes d’indemnisation de la famille, estimant que le lien ne pouvait être établi. La cour d’appel vient de balayer ce jugement.

Ce mardi, la cour administrative a retenu « la responsabilité pour faute de l’Etat, en raison de ses carences dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole » qui est « la cause principale de la prolifération des algues vertes en Bretagne », explique-t-elle dans un communiqué.

Un œdème pulmonaire fulgurant

La cour estime, en se fondant notamment sur plusieurs pièces qui n’avaient pas été présentées au tribunal administratif de Rennes, que le décès de la victime, âgée de 50 ans, qui est survenu instantanément et a été causé par un œdème pulmonaire massif et fulgurant, « ne pouvait s’expliquer autrement que par une intoxication mortelle par inhalation d’hydrogène sulfuré à des taux de concentration très élevés », explique-t-elle. Le préjudice subi par les proches du défunt sera partiellement indemnisé, la cour estimant que le quinquagénaire avait pris un risque en allant courir dans cet estuaire, qualifié de « vallée de la mort » par les associations environnementales. L’État devra verser un peu moins de 350.000 euros à la famille du défunt.

Le Gouessant est un cours d'eau situé dans les Côtes-d'Armor. Depuis des décennies, il est pollué par les nitrates et voit les algues vertes s'accumuler. Ici en 2021.
Le Gouessant est un cours d’eau situé dans les Côtes-d’Armor. Depuis des décennies, il est pollué par les nitrates et voit les algues vertes s’accumuler. Ici en 2021.  - F. Guiziou/Hemis

« Pour la première fois, une juridiction française retient le lien entre le décès d’une personne et la faute de l’Etat dans ces affaires d’algues vertes », a salué l’avocat de la famille, Me François Lafforgue. « L’Etat doit plus que jamais agir efficacement », a-t-il ajouté. L’Etat français a plusieurs fois été sommé par la Cour des comptes d’agir plus fortement pour limiter les pollutions facilitant la prolifération des algues vertes. L’activité agricole, et notamment les élevages, est la cause principale de cette pollution aux nitrates.