France

« Bref.2 » : Pourquoi la série est devenue un tel phénomène de société ?

Un véritable phénomène de société ! Treize ans après la saison 1, Je (Kyan Khojandi) a repris son monologue intérieur, confronté aux défis de la quarantaine. Deux jours après sa mise en ligne le 14 février sur Disney+, Bref.2 devient la série « la plus visionnée de Disney+ » en France, trois jours plus tard, « la mieux notée de tous les temps » sur AlloCiné, devant Game of Thrones. Les semaines passent et le succès ne se dément pas, poussant la plateforme à accélérer sa sortie mondiale au 26 mars.

« La saison 2 de Bref, c’est une leçon de vie », « Bref, c’est la thérapie dont tout le monde a besoin », « Bref.2 parle de nous sans nous connaître, nous fait rire en exposant ce qu’on redoute, nous touche en nous révélant à nous-mêmes »… Sur X, les commentaires sont dithyrambiques. La réplique du voisin Jean-Jacques « Il avait besoin de s’asseoir 30 secondes, il s’est assis 20 ans » est déjà culte sur les réseaux sociaux. Mais pourquoi Bref.2 est touche autant les spectateurs ?

Une continuité assumée

Rythme rapide, voix off omniprésente et répliques percutantes… Bref.2 conserve les ingrédients qui ont fait son succès, un format novateur en 2011 toujours efficace en 2025. « Cette série évoque un personnage bien connu qui revient avec un format plus long, avec plus de moyens », résume le psychologue et psychanalyste Michaël Stora.

Des thèmes universels

Baptiste (Baptiste Lecaplain), nouveau père et nouvel homme, Billie (Laura Felpin), victime de sa relation toxique avec Ben (Mikaël Alhawi), la solitude de Jean-Jacques (Jean-Paul Rouve) et Je (Kyan Khojandi) en pleine crise de la quarantaine… Les personnages abordent avec humour et tendresse des questions auxquelles nous sommes tous un jour confronté.

« Bref.2 aborde des choses très intemporelles : la question de la relation à l’autre, la relation amicale, amoureuse, à ses parents, à son frère. Ces sujets touchent l’universel », analyse Michaël Stora. La série de Kyan Khojandi et Navo encourage les spectateurs à faire leur propre introspection.

Un looser en quête de soi

Le héros, quadragénaire égocentré et paumé, sans travail ni relation amoureuse stable, peine à trouver son chemin dans la vie. A l’ère de la perfection sur les réseaux sociaux, ce looser en quête de lui-même fait du bien. « Cet antihéros manie les mécanismes de l’auto-ironie, qui sont une production créative très intéressante pour lutter contre cette tyrannie du bien-être, de la réussite et de la richesse à tout prix. Le second degré est une forme de pied de nez à cet idéal tyrannisant », note le psychanalyste.

Un antihéros dans lequel beaucoup s’identifient. Selon une étude de l’université de Bordeaux, 42 % des 18-24 ans présentent des symptômes dépressifs. « La première des raisons pour laquelle il y avait cette dépression, c’était la pression à la réussite », remarque le psychanalyste.

Un personnage en pleine crise

Le héros Je symbolise « une société qui s’individualise, “narcissisée” comme diraient les psychanalystes », note le psychanalyste. Et d’expliquer : « Quand on parle de pathologie narcissique, on parle de gens qui ont une fragilité narcissique. Ces personnes ont des mécanismes de défense. Le héros de Bref verse dans un narcissisme négatif, du côté de la victimisation »

Ce personnage explore ses fragilités et mène une introspection. « Les gens narcissiques ont du mal à être en relation avec l’autre, parce que la relation à l’autre met à mal justement leur fragilité », décrypte le psychanalyste. Et d’ajouter : « Il y a des passages un peu émouvants, quand il accepte d’être traversé par la blessure. On le voit par exemple pendant trois jours dans son lit en larmes et s’effondrer. »

Une déconstruction masculine

Bref.2, « c’est un podcast Binge audio sur les masculinités toxiques, mais avec des blagues drôles », estime un internaute. Si, Des Couilles sur la table à La Domination masculine en passant par Ted Lasso, on ne compte plus les essais, podcasts et fictions qui abordent le concept de masculinité toxique, certains s’emparent de la question grâce à Bref.2.

« C’est le point de vue d’un homme dans ce bouleversement post-MeToo. Il y a une rupture puissante par rapport à un mode de fonctionnement où les hommes ne se posaient aucune question. Ce sont des enjeux très contemporains. Au fond, cette série montre une forme de déconstruction masculine plutôt intéressante », analyse Michaël Stora.

Bref.2 montre comment la masculinité toxique est un obstacle à la santé mentale des hommes. En faisant son introspection (en revisitant son enfance avec son frère ou en comprenant que son ami Ben est problématique), le héros de Bref.2 remonte la pente. « Son père est un modèle d’un ancien temps, un homme plutôt macho, qui ne comprend pas », souligne le psychanalyste.

« Cette série pose de manière un peu insidieuse des questions complexes sur la relation homme femme et sur la question amoureuse », conclut l’expert. Sous couvert d’humour, Bref.2 montre ainsi le chemin parcouru dans la société depuis la première saison.