France

Braquage de Kim Kardashian : « Pas des toquards »… Un enquêteur dépeint des « malfaiteurs chevronnés »

Depuis la cour d’assises de Paris,

Droit comme un « i » à la barre de la cour d’assises, l’enquêteur est formel : le braquage dont a été victime Kim Kardashian le 3 octobre 2016, est l’œuvre d’une équipe de « malfaiteurs chevronnés ». Des « toquards », insiste-t-il, n’auraient jamais eu l’information de sa présence, seule ce soir-là, dans un hôtel archi-confidentiel du 9e arrondissement de Paris. Ils ne seraient pas, non plus, parvenus à « refourguer une bague à 18 carats ». « Ils ont commis quelques erreurs, mais c’est une belle équipe », conclut, au terme d’un exposé de plus de 3h30, ce chef de groupe de la brigade de répression du banditisme (BRB), costume strict et chevelure grise ébouriffée.

Le témoin semble bien décidé à contrebalancer l’image des accusés qui se dégagent depuis le début de ce procès : des « papys braqueurs » devenus des vieillards, des voyous à l’ancienne un peu pieds nickelés. La majorité des accusés sont désormais sexagénaires ou septuagénaires. Beaucoup paraissent dix ans de plus car en proie à de multiples pathologies, à l’image d’Aomar Aït Khedache, présenté comme le « cerveau » de l’opération. Il est désormais sourd et muet, se déplace difficilement appuyé sur sa canne et doit régulièrement sortir du prétoire à cause de problèmes d’incontinence. Bien loin de l’image de « parrain » qu’on aurait pu se figurer. « Ce sont des malfaiteurs chevronnés. Certes, ils sont âgés mais à l’époque, ils sont en bonne santé », répète, encore et encore, le témoin.

« Le coup est réussi, il n’y a pas eu de faute »

Devant la cour, le commandant de la BRB raconte le traumatisme de Kim Kardashian qui a vu surgir en pleine nuit « deux hommes cagoulés et armés ». D’emblée, « le petit nerveux » – qui sera identifié plus tard comme Aomar Aït Khedache – lui demande « sa ring », sa bague de fiançailles sertie d’un diamant si gros qu’il couvre presque toute sa phalange. L’influenceuse star est ensuite ligotée et bâillonnée. Moins d’un quart d’heure après leur arrivée, les cinq complices – deux sont montés dans la chambre, trois autres sont restés faire le guet – sont déjà partis. Dans leur sac, se trouve une vingtaine de pièces de joaillerie exceptionnelles : outre la bague, un bracelet à plus de 360.000 euros, des diamants d’oreilles du même prix, un collier à 230.000 euros…

« Le coup est réussi, il n’y a pas eu de faute », tranche le fonctionnaire. Vraiment ? Que dire de cette passante qui, le lendemain du braquage, rapporte aux enquêteurs un des bijoux volés, une croix sertie de diamants, découverte dans un caniveau. Sur les images de vidéosurveillance, on aperçoit l’un des malfrats qui a pris la fuite à vélo chuter à quelques centaines de mètres de l’hôtel. « Les vélos ça fait sourire, mais il faut s’éloigner des lieux au plus vite », estime le policier. Quid, également, de l’ADN que deux d’entre eux ont laissé sur les lieux. « Ils avaient mis des gants, mais avec l’ADN ça peut aller vite », poursuit-il. Toujours est-il que moins de cinq jours après le braquage, les enquêteurs disposent d’un nom. Un certain Pascal Larbi. Une identité en réalité usurpée par Aomar Aït Khedache.

Téléphones de guerre et filatures

Une quinzaine d’enquêteurs de la prestigieuse brigade travaille alors à temps plein sur cette enquête hors norme. Il s’agit désormais de retracer le réseau autour de cet homme. « Il est très précautionneux », insiste le commandant de police, trente-cinq ans de carrière au compteur. Aomar Aït Khedache et ses complices utilisent des « téléphones de guerre » – des appareils acquis anonymement pour communiquer avec un nombre restreint d’interlocuteurs –, usent de surnoms ou de noms de code. Les filatures sont limitées au strict minimum car les suspects font de multiples détours, laissent passer des métros vont même jusqu’à traverser un hôpital pour ne laisser aucune trace.

Peu à peu toutefois, un « cercle d’amis anciens » se dessine. « Un bandit », « un malfaiteur chevronné », « un braqueur de banque », détaille-t-il. S’il appuie parfois ses démonstrations de photos prises lors des filatures, d’autres assertions sont moins étaillées. Cathy, la compagne d’Aomar Aït Khedache est le « personnage central », assure-t-il à maintes reprises sans détailler son raisonnement. Quid de la taupe, celle qui a renseigné les malfaiteurs ? Pour lui pas de doute, il s’agit de Gary Madar, le frère du chauffeur de Kim Kardashian. Mais sa démonstration est très succincte : il fréquente le même bar que certains suspects. Non, reconnaît-il du bout des lèvres, il n’y a aucun message incriminant.

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A plusieurs reprises, le président de la cour d’assises le reprend : « S’il vous plaît, tenons-nous en aux faits, pas de commentaires. » Il aura bien du mal à s’y astreindre. A ses yeux, le fait que seuls deux des accusés reconnaissent les faits est le signe du professionnalisme de l’équipe : ceux qui ont avoué – Aomar Aït Khedache et Yunice Abbas – n’avaient tout simplement pas le choix. Leur ADN a été identifié sur les lieux du braquage et de l’argent a été retrouvé chez eux ou un proche. Quid des autres mis en cause qui n’ont eu de cesse de clamer leur innocence et chez qui rien n’a été découvert ? « Le fait qu’on n’ait pas retrouvé d’argent, c’est le signe de malfaiteurs chevronnés », assène-t-il devant une cour qui peine à cacher une certaine lassitude.