Bordeaux : Procès du meurtre de Lionel, un ado de 16 ans « sans histoires », abattu sur fond de rivalité entre quartiers

Le 2 janvier 2021, peu avant 23 heures, les secours sont appelés dans le quartier populaire des Aubiers à Bordeaux, après des coups de feu. Lionel, 16 ans, gît au sol. Il est déclaré décédé à son arrivée aux urgences. L’enquête montrera qu’il a été touché à trois reprises, alors qu’il prenait la fuite. Trois autres mineurs et un majeur sont blessés. Tout le quartier sera sous le choc après le décès de ce jeune homme « sans histoires » qui vendait des sodas et des friandises en bas de son immeuble le soir du drame.
A partir de ce lundi 12 mai et jusqu’au vendredi 23 mai, huit accusés sont jugés devant les Assises de la Gironde pour tenter de comprendre ce qui s’est passé. Trois d’entre eux sont renvoyés pour meurtre et tentative de meurtre en bande organisée, quatre pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime et le dernier pour violences. Des délits connexes s’ajoutant au meurtre de l’adolescent qui pourrait avoir été victime d’une action de vengeance de jeunes de Saint-Louis Chantecrit, le quartier « rival » des Aubiers.
« Un meurtre d’opportunité »
Le jour du drame, il y a une première série de tirs depuis une Clio noire qui a débarqué dans le quartier. Selon une thèse accréditée par un informateur de la police, la descente visait à « finir » un habitant des Aubiers déjà ciblé par une attaque à l’arme à feu en décembre 2020 et dont l’habitation a ensuite été incendiée. Ils le ratent, il s’échappe. « Ils descendent alors du véhicule et l’un des accusés dit à celui qui est descendu de « tuer les petits », commente auprès de 20 Minutes Yann Herrera, l’avocat de la famille de Lionel et d’un des mineurs blessés. Alors qu’ils sont en train de s’enfuir, on leur tire dans le dos, comme le démontrent l’autopsie et les expertises. Il n’y a rien de personnel, c’est un meurtre non pas à l’aveugle, mais d’opportunité. »
Il précise que les examens toxicologiques révéleront que Lionel n’avait consommé ni alcool ni stupéfiants ce soir-là. La victime n’a pas de casier et son nom ne ressort dans aucune des nombreuses altercations entre les membres des quartiers rivaux. Depuis au moins 2019, des agressions parfois armées ponctuent les échanges entre les Aubiers et Chantecrit. La veille des faits, le 1er janvier 2021, le frère de deux des accusés s’est fait tirer dessus à Chantecrit lors d’un « guet-apens ». Il a été blessé par balle à l’omoplate, sans que les faits soient signalés officiellement. Ils ont été mis à jour à l’occasion de l’enquête sur la mort de Lionel. Ce blessé est suspecté d’avoir fourni la Clio noire utilisée pour débarquer place Ginette Neveu le lendemain de son agression.
Les accusés du meurtre nient en bloc
Les trois accusés de meurtre et tentative de meurtre en bande organisée nient toute implication dans les faits et ont maintenu cette version pendant l’instruction. « Ils reconnaissent simplement avoir acheté des téléphones pour appeler on ne sait qui et des cagoules pour faire de la moto », s’agace l’avocat de la famille de Lionel.
L’intention homicide est pourtant retenue au cours de l’instruction, à la lumière des analyses de leurs téléphones (et de leurs bornages), des analyses balistiques et des déclarations des témoins. « En mars 2019, il y a une fusillade à Chantecrit Saint-Louis, après laquelle deux des accusés sont interpellés sur place, fait valoir de son côté maître Yann Herrera. On va retrouver 45 douilles et on sait qu’elles ont été tirées avec la même arme qui a tué Lionel. »
Les deux semaines de débats devront permettre de faire la lumière sur ce qui s’est passé tandis que les huit accusés demeurent présumés innocents.
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« La famille se serre les coudes, cela fait quatre ans qu’elle attend le procès, conclut l’avocat de la famille de Lionel. Et cela va être très difficile d’affronter le visage de ceux qui sont accusés. »