Bordeaux : Comment l’eau industrielle permet d’économiser l’eau potable (et divise les factures par 10)
Le principe est de capter en surface plutôt qu’à des centaines de mètres de profondeur. Les 57 millions de litres d’eau potable nécessaires à la métropole bordelaise sont puisés dans les nappes souterraines, dont les plus profondes (éocène) mettent plusieurs milliers d’années à se régénérer. « En gros, la nappe éocène contient de l’eau qui est tombée sur Cro-Magnon dans la région de Clermont-Ferrand et qui est maintenant sous nos pieds », image Pascal Le Halpere, chef de projet innovation au sein de la direction recherche, innovation et transition écologique de la régie de l’eau Bordeaux métropole. Pour ménager ces précieuses nappes pour les générations futures, les acteurs publics recherchent des alternatives.
Parmi celles-ci, l’eau industrielle qui consiste à pomper l’eau du fleuve et à la distribuer, après traitement, à des sites industriels. Sur la Presqu’île d’Ambès, près de Bordeaux, une vingtaine d’entreprises et des collectivités (nettoyage des voiries et arrosage des espaces verts) sont raccordées à la station de Saint-Louis-de-Montferrand et ce chiffre pourrait bien grimper dans les années à venir.
Chez Michelin, on s’en sert pour extraire les solvants
Pour Guillaume Bouquant, directeur de l’usine Michelin de Bassens, la station fonctionne très bien et a permis de substituer une grande part du pompage dans les nappes à cette eau industrielle. « On en utilise pour nos procédures anti-incendie, mais surtout pour le procédé de fabrication, explique-t-il. On la transforme en vapeur pour extraire nos solvants. » Entre 2014 et 2017, un procédé de traitement complémentaire a été mis au point par l’équipementier, pour environ deux millions d’euros, afin de l’adapter complètement à ses exigences.
Du ponton qui surplombe le fleuve, on aperçoit la pompe qui permet de capter 3.200 m3 par heure d’eau du fleuve pour un rendement en sortie de 2.400 m3. Les traitements consistent à enlever les matières en suspension, sachant qu’elles sont 100 à 500 fois plus élevées dans la Garonne que dans la plupart des cours d’eau. Il faut aussi veiller à maîtriser la salinité avec un maximum de 50 mg de chlorures par m3 d’eau.
C’est d’octobre à juillet que la période est la plus favorable pour le pompage des eaux du fleuve. Et, deux étangs de stockage permettent de faire tampon et d’alimenter en continu les sites raccordés. En vingt ans, il n’y a eu qu’une seule rupture d’approvisionnement, pendant trois semaines.
Un potentiel pour augmenter la charge
Aujourd’hui, environ un million de m3 d’eau est prélevé par an dans la Garonne et l’usine a été conçue pour permettre de traiter deux fois ce volume voire, avec des aménagements supplémentaires peu complexes, jusqu’à trois millions par an. « On doit écouter les besoins industriels, notamment en qualité d’eau et mener des études pour agrandir le réseau », explique Pascal Le Halpere. Les entreprises visées sont celles de la Presqu’île, situées entre Bassens et Ambès. Deux supplémentaire songent à se raccorder à la station d’ici peu.
Le raccordement est à la charge de l’entreprise et ensuite un abonnement lui est proposé. Quand le coût du m3 pour un particulier est à 4 euros pour de l’eau potable, Il se situe entre 0,46 et 0,58 centime pour un m3 d’eau industrielle. Même en prenant en compte l’abonnement, plus cher que pour un particulier, cela reste pour les industriels une option moins onéreuse que l’eau potable, si on prend en compte les volumes en jeu.
En 2020, seule un peu moins de la moitié des volumes d’eau utilisés par l’industrie sont issus des eaux de surface en France, selon une source gouvernementale, soit encore 900 millions de m3 prélevés dans les nappes souterraines.