Bombe Gare du Nord : « Nos sols conservent des centaines de millions d’explosifs des anciennes guerres »

A l’image de la bombe découverte à quelques kilomètres de la gare du Nord ce vendredi et qui a entraîné une importante interruption du trafic, de nombreuses munitions non explosées datant des conflits mondiaux du XXe siècle sont régulièrement retrouvées dans les sols français. Historien-chercheur au centre de recherche de l’Ecole des hautes études en science sociale (EHESS), Olivier Saint-Hilaire a soutenu une thèse en novembre 2024 sur l’histoire des déchets de guerre et l’impact de ces pollutions pour les sols. Entretien.
Est-il courant de retrouver des bombes à proximité des gares ?
Oui, la bombe découverte à quelques kilomètres de la gare du Nord provient probablement d’un larguage des alliés anglo-américains en 1944 pour préparer le débarquement. Les alliés ont massivement bombardé tout le réseau ferré autour des grands centres urbains, mais aussi partout en France. En 2015, trois bombes avaient d’ailleurs été retrouvées à Noisy-le-sec dans le cadre du chantier du Grand Paris.
Peut-on estimer la quantité de munitions non explosées encore présentes dans les sols français datant des dernières guerres ?
Non, c’est impossible à savoir. De 1945 à 2000, le service de déminage a récupéré 600.000 bombes aériennes, 24 millions d’obus et 13 millions de mines. Depuis, les chiffres n’ont pas beaucoup augmenté car les plus importantes actions de déminage ont eu lieu principalement après la Seconde Guerre mondiale et pendant les années 1950. On sait que 25 à 30 % du milliard d’engins explosifs tirés pendant la Première Guerre mondiale n’ont pas explosé. Il peut s’agir d’obus, de grenades ou de bombes aériennes. Il est probable que des centaines de millions d’engins de guerre sont encore enfouies dans nos sols.
Chaque année, 500 tonnes de munitions sont neutralisées par les services de déminage. Ce sont principalement des bombes et autres explosifs datant de la Première Guerre mondiale (90 %), mais on trouve aussi des obus chimiques (10 %).
Ces objets dangereux ont-ils déjà fait des victimes ?
D’après mes recherches, 11.000 personnes ont perdu la vie après la découverte d’un engin. La plupart sont des enfants qui s’amusaient sur d’anciens champs de bataille. On compte aussi parmi les décès des démineurs et des récupérateurs, ces ouvriers chargés de récupérer des métaux pour les revendre. Aujourd’hui, les accidents restent rares. La dernière victime mortelle de la Grande Guerre date de 2014. Un obus a explosé près de jeunes qui étaient en train de bivouaquer sur une plage de l’île de Groix.
Quelles sont les villes et les zones géographiques les plus exposées à cette problématique ?
Tout d’abord, ce sont les villes bombardées pendant les guerres comme Rennes, Brest, Nantes, Caen, Le Havre… Des bombes sont également retrouvées dans les mers et les estuaires des fleuves mais aussi dans les friches industrielles du nord de la France et à proximité des voies ferrées.
Des inspections sont-elles menées dans les sols afin d’évacuer les dernières bombes ?
Depuis les années 2000, les maîtres d’ouvrage font appel de plus en plus à des sociétés spécialisées dans la dépollution et le diagnostic pyrotechnique lorsqu’un risque très élevé se présente sur un chantier. La plupart du temps, ces munitions sont découvertes de manière inattendue par des agriculteurs, des ouvriers du BTP, des promeneurs ou des agents de l’ONF.