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« Blackport », hilarante comédie noire sur les barons de la pêche en Islande

Un pitch a priori rébarbatif ! Blackport, série islandaise en huit épisodes, diffusée dès ce jeudi à 20h55 sur Arte et disponible sur Arte.tv, relate la privatisation de la pêche en Islande au mitan des années 1980. Créée par compagnie théâtrale Vesturport, la chronique sociale Blackport, Grand Prix Séries Mania 2021, se révèle être une savoureuse et féroce comédie noire sur les excès du capitalisme, au confluent des influences de l’inclassable Aki Kaurismäki et des frères Coen. Pourquoi il ne faut pas rater ce pamphlet économique et écologique qui ne verse jamais dans la didactique ?

Cette fresque aussi étonnante que truculente débute au moment de la mise en place des quotas de pêche en 1984 par le gouvernement islandais, pour mettre fin à la pêche effrénée ouverte à tous, qui menaçait d’épuiser les stocks de poissons.

L’irrésistible ascension des barons de la pêche

Cette réglementation a évolué à l’opposé de l’esprit premier de la loi, et a ouvert la voie à une libéralisation sauvage du secteur. La mer et ses ressources se sont retrouvées concentrées entre les mains des entrepreneurs les plus puissants, véritables barons de la pêche.

« Le poisson et les zones de pêche ont été privatisés, alors que notre Constitution dit que cela appartient à tout le monde ! Nous nous sommes demandé comment cela était arrivé et pourquoi cela s’était produit ? », explique Gísli Örn Garðarsson, co-créateur de Blackport, que 20 Minutes a rencontré au festival Séries Mania.

Ce dernier incarne également Jón, maire d’un petit port de pêche dans la région reculée des fjords de l’Ouest de l’île, qui s’apprête à conclure l’achat d’un vieux chalutier avec des hommes d’affaires venus spécialement de Reykjavík.

L’enjeu est de taille : ce bateau va permettre à la ville, gravitant autour d’un foyer d’ouvriers du poisson nommé « Blackport », d’obtenir le précieux quota de pêche instauré par l’Etat.

Hélas, tout semble compromis, alors que le frère de Jón, alcoolique au dernier degré qui devait prendre les commandes du navire, est en retard pour la signature de la transaction. Harpa, secrétaire de mairie et maîtresse de Jón, décide de prendre les choses en main.

Le début d’une irrésistible ascension. « Mon personnage va participer à l’achat de ce bateau, puis diriger l’usine. Harpa va devenir la femme la plus puissante de la ville », résume l’actrice et co-créatrice de la série, Nína Dögg Filippusdóttir.

Un portrait coloré de l’Islande des années 1980

L’appât du gain et les compromissions vont venir compliquer les choses et plonger le petit port de pêche et ses habitants dans la frénésie néolibérale des années Thatcher et Reagan. « Très vite, Jón va devenir ministre de la pêche tout en possédant des parts de l’usine. De son côté, Harpa est au départ une personne innocente qui veut juste prendre soin des siens. Au fil des épisodes, elle se persuade qu’elle doit tout contrôler parce qu’elle sait mieux y faire que quiconque. C’est en quelque sorte ce qui s’est passé avec le système des quotas », analyse Gísli Örn Garðarsson.

Au travers les destins de cette petite communauté, Blackport dresse un portrait coloré, drôle et chaleureux de l’Islande des années 1980. « Une période qui nous est chère, parce que nous y avons grandi et que beaucoup de choses ont changé à cette époque », raconte Gísli Örn Garðarsson. « C’est une partie tellement importante de notre histoire que nous devions la raconter », abonde Björn Hlynur Haraldsson, co-créateur du show et interprète de Grimur, le mari d’Harpa. Un Ovni télévisuel, qui fait tout à la fois sur la gestion des ressources naturelles et fait beaucoup rire !