Biathlon : Julia Simon, faiblesse du groupe tricolore avant les JO ?
L’équipe de France féminine de biathlon est arrivée au Grand-Bornand avec l’espoir de retrouver un enthousiasme perdu, malgré la présence de deux Françaises dans le top 4 du général et d’une victoire à Hochfilzen pour Lou Jeanmonnot. Julia Simon, la lauréate de la Coupe du monde de biathlon 2023, a été condamnée cet automne à trois mois de prison avec sursis et 15.000 euros d’amende pour fraude à la carte bleue.

Visages sombres. L’équipe de France féminine de biathlon arrive au Grand-Bornand avec l’espoir de retrouver l’enthousiasme perdu lors de cette étape de Coupe du monde à domicile. Le début de saison n’est pas catastrophique sur le plan sportif – deux Françaises figurent dans le top 4 du classement général et Lou Jeanmonnot a remporté une victoire à Hochfilzen – mais la morosité collective s’est à nouveau installée la semaine dernière avec l’affaire Julia Simon.
La lauréate de la Coupe du monde de biathlon 2023 a été condamnée cet automne à trois mois de prison avec sursis et à 15.000 euros d’amende pour fraude à la carte bancaire.
« Ce retour, on l’a vécu plus ou moins de la même manière que depuis trois ans, confiait Lou Jeanmonnot au micro de la chaîne L’Equipe en Autriche. En fait, on y est habituées. Si pour vous, c’est ponctuel dans les médias, pour nous, cela fait trois ans et demi que c’est quotidien. […] Ce n’est pas comme ça que j’aurais voulu vivre ma carrière d’athlète en équipe de France A. J’aurais aimé aller m’entraîner avec des copines et être heureuse d’y aller. Malheureusement, ce n’est pas le cas. »
Lou Jeanmonnot soutient Justine Braisaz
D’après Florian Silnicki, expert en communication de crise et fondateur de LaFrenchCom, ce problème qui touche la dynamique collective des biathlètes françaises aurait dû être résolu depuis longtemps par les instances dirigeantes. Cependant, la FFS s’est désengagée dans un communiqué de juillet 2023, indiquant devoir attendre « les résultats de l’enquête pénale » en raison d’un manque de moyens techniques pour enquêter.
« La Fédération a cru qu’elle était prudente, mais elle a surtout été absente, critique l’expert. En communication de crise, le silence n’est jamais neutre, il prend toujours parti. En attendant et en temporisant, la FFS a laissé le collectif se fissurer de l’intérieur. Quand une institution ne protège pas clairement les victimes, elle envoie un message très violent : débrouillez-vous entre vous. » C’est d’ailleurs ce qui s’est passé au départ, avant que Julia Simon ne fasse l’objet de deux plaintes pour fraude à la carte bancaire.
Bien avant de devenir numéro 1 française, Lou Jeanmonnot avait abandonné en été 2023 sa collaboration avec la décuple championne du monde, accusée d’avoir « refusé l’aide » de sa victime et coéquipière, Justine Braisaz-Bouchet, à une époque où Simon n’acceptait pas de reconnaître les faits. Lors du week-end dernier à Hochfilzen, la actuelle 3e au classement général a renouvelé son soutien indéfectible à Braisaz-Bouchet, révélant que celle-ci avait reçu des menaces de mort visant sa fille de 2 ans sur les réseaux sociaux. La championne olympique 2022 de la mass-start a également donné des détails au micro de RMC.
« J’ai eu froid dans le dos en recevant des messages haineux. C’était après le premier week-end à Ostersund. Nous venions de gagner les deux relais. Je faisais partie des relais victorieux, donc ce n’était pas un échec. Le message était écrit en français, avec des mots violents envers ma fille. Je ne comprends pas pourquoi. Il y a souvent des insultes, mais de cette nature-là, c’était difficile à supporter. »
La FFS peu active dans l’affaire Simon
Un épisode traumatisant qui, bien qu’il n’ait pas de lien avec Julia Simon, illustre une réalité : Justine Braisaz-Bouchet s’est habituée à recevoir des insultes dans ses messages depuis la médiatisation de l’affaire en 2023. « Dans l’esprit de nombreuses personnes, dit Braisaz, j’étais celle qui posait problème, tentant de piéger l’autre. » Jusqu’à présent discrète, la FFS a finalement exprimé son soutien à sa skieuse dans un communiqué à la suite des révélations concernant les menaces.
« La FFS condamne avec la plus grande fermeté toute forme de violence ou de harcèlement, et rappelle qu’aucun de ces comportements n’a sa place, ni dans le sport, ni dans la société. […] Aucun manquement à la probité, au respect mutuel ou à la sécurité psychologique du collectif ne saurait être toléré, écrit la Fédération. La protection des athlètes, des équipes techniques et médicales, ainsi que la préservation d’un climat de confiance au sein des équipes de France, constituent une priorité absolue. »
La dernière phrase, avec des éléments de langage récurrents dans les communications officielles des deux dernières années, traduit une fuite en avant dont personne n’est sorti grandi jusqu’ici. Les réunions internes, l’exclusion de Julia Simon avant la saison 2023, les notes destinées aux journalistes leur demandant d’éviter les sujets extra-sportifs, rien de tout cela n’a permis de résoudre le problème. Et la FFS, qui n’a cessé de faire appel à la justice pour pouvoir se prononcer sur la sanction à appliquer à sa skieuse, a finalement timidement saisi l’occasion de sévir après le verdict.
La suspension de Julia Simon jugée « très clémente » par Bjoerndalen
Par sa décision de ne suspendre Julia Simon que durant la première étape de Coupe du monde, à Ostersund, la commission de discipline de la FFS maintient l’équilibre fragile de l’équipe de France féminine de biathlon.
« Il aurait probablement fallu écarter Julia Simon plus tôt, soutient Florian Silnicki. Dans certaines crises, le talent devient toxique, non pas sportivement mais collectivement. À vouloir préserver une championne, on fragilise toute une équipe. Au football, Didier Deschamps a accepté de se priver de Karim Benzema pour garder le contrôle de son vestiaire. La FFS a fait l’inverse : elle a gardé l’athlète et perdu le collectif. Cela aurait peut-être coûté des podiums, mais cela aurait évité une crise chronique. »
Vu de l’étranger, l’incompréhension est également palpable pour Ole Einar Bjoerndalen, aujourd’hui consultant pour TV2. « Maintenant qu’elle a été reconnue coupable de plusieurs accusations, cela semble d’autant plus incompréhensible. Il est très surprenant de voir la punition si clémente. » Cependant, cela n’a pas empêché l’Unité d’intégrité du biathlon, rattachée à l’IBU, de soutenir la décision de la FFS. Tout est en place pour que le biathlon féminin français repartent pour une nouvelle saison, en pleine période olympique.

