Biathlon : Comme au Grand-Bornand, la neige de culture est-elle devenue indispensable à l’organisation de courses ?
Le ciel est tombé sur la tête des Bornandins et des Bornandines le week-end du 7 décembre. Littéralement, d’abord, avec des chutes de neige importantes après plusieurs jours de calme plat. Puis, en apprenant, dans Libération, que le maire d’Annecy, François Astorg, coupait son soutien financier (100.000 euros) à l’étape de coupe du monde de biathlon du Grand-Bornand, qui commence jeudi. « Adapter la montagne au réchauffement ne peut plus attendre », a expliqué l’édile.
Les photos de neige transportée sur des camions pour préparer le stade Sylvie-Becaert, publiées quelques jours auparavant sur les réseaux sociaux, ont dû conforter l’écologiste dans son choix. Comme en 2022, face à la pénurie d’or blanc à 980 mètres d’altitude, les organisateurs ont dû lancer ce plan B, à base de fabrication de neige et de snowfarming (stockage de neige), pour être dans les règles le 9 décembre, date à laquelle le contrôle neige devait être effectué, sous peine de voir l’étape annulée.
La neige, « un bien de consommation X » ?
« T’imagines, ils ont bossé depuis un an à tout préparer et finalement, manque de neige, paf, la course, elle est ailleurs, imagine Anaïs Bescond, championne olympique en 2018 sur le relais mixte. Comment tu peux motiver des organisateurs à s’engager si, en fait, la semaine d’avant, on va te dire d’aller ailleurs ? » Alors, le recours à la neige de culture permet de sauver tout ça. Quitte à mettre des petits flocons dans un gros camion, comme l’explique André Perrillat-Amédé, président du comité d’organisation et maire du Grand-Bornand :
« Jusqu’à présent, nous avions qu’un seul stockage, et nous déplacions effectivement de la neige de culture d’un autre stockage mutualisé avec le domaine de ski alpin, sur les 5 km qui nous séparent, et qui ont effectivement fait causer. On est tout à fait conscient de la sensibilité que représentent ces transports de neige, et on souhaite progresser dans ce domaine, puisque nous avons constitué une deuxième réserve de neige sur le site qui, malheureusement, n’a pas pu être totalement opérationnelle pour cet hiver. »
Ces transports de neige sur route ont déclenché l’ire des associations de protection de l’environnement, comme Résilience montagne, dont la fondatrice et présidente, Valérier Paumier, estime qu’aucune leçon de l’épreuve de 2022, où les mêmes mouvements avaient été vus, n’a été retenue : « Il faut imaginer une autre histoire de la montagne tous ensemble. On fait voir qu’on peut balader des camions avec de la neige comme un bien de consommation X, parce que la neige ne tombe plus du ciel. Et c’est ça l’imaginaire qu’on veut faire voir à nos gamins. »
Ne pas se retrouver dans de la soupe
Les gamins verront donc Émilien Jacquelin, Lou Jeanmonnot et compagnie fouler la neige de culture durant toute la fin de semaine. Et, même s’il avait neigé abondamment sur la Haute-Savoie, pas sûr qu’il en aurait été autrement, assure André Perrillat-Amédé : « Si on fait recours à la neige de culture, ce n’est pas lié au changement climatique, c’est lié à la nature même des épreuves. Elle permet d’avoir une couche de pistes stable, de par le fait qu’elle ait déjà été travaillée, fiable et sécurisée. »
« Elle permet aussi de garantir l’équité dans la course, explique Anaïs Bescond. Dans mes premières compétitions en carrière, je prenais un dossard 100 au départ, je brassais jusqu’au genou. Je peux vous dire que je n’avais pas du tout les mêmes conditions de course que les premières qui étaient parties. Donc, au moins, ça garantit que tout le monde parte plus ou moins avec les mêmes chances. »
Au total, la neige de culture, et son transport, ne représente que 0,8 %, soit 38 tonnes, du bilan carbone de l’ensemble de l’événement (80 % lié au déplacement des spectateurs, des biathlètes et des médias). Et l’organisation a tenu à faire baisser un peu plus la note, en mettant en place des modules en bois sur le pas de tir à la place d’une neige qui demande à être énormément travaillée. Une première sur le circuit mondial, qui ne demande qu’à être exportée ailleurs, espère l’organisation.
« Une pression sur l’environnement »
Reste que l’eau utilisée pour fabriquer cette neige provient des bassins-versants, « qu’ils siphonnent pour remplir les bassines d’altitude, dénonce Valérie Paumier. Ce n’est pas leur eau. Aujourd’hui, on sait fabriquer la neige à température positive. La question, c’est juste, est-ce qu’on doit le faire ? Je m’interroge même sur l’intérêt de continuer ce genre de compétition dans des endroits comme Le Grand-Bornand. » Une idée évidemment pas du tout partagée part tout le monde.
« Cette épreuve, c’est à la fois un poumon économique et social de par son rayonnement médiatique, avec 125 millions de téléspectateurs dans le monde et des retombées économique de l’ordre de 5 millions d’euros, estime André Perrillat-Amédé. Nous sommes tout à fait conscients que tout événement comme celui-ci a forcément une pression sur l’environnement et qu’on cherche à être en responsabilité par rapport à ces problèmes-là. »
Le maire du Grand-Bornand a donc… reposé une candidature pour accueillir la coupe du monde pour la période 2026-2030. Mais reste ouvert à un changement de date, notamment en janvier, pour avoir un peu plus de neige naturelle. Mais entre le calendrier établi et la volonté de la Fédération internationale de limiter les déplacements des coureurs, pour protéger l’environnement, pas sûr que la requête aboutisse. On est bien partis pour continuer à fabriquer de la neige jusqu’en 2030, où le Grand-Bornand accueillera aussi les Jeux olympiques d’hiver.