France

Bébé : Le lait maternel est-il réellement meilleur que le lait en poudre ?

Les enfants allaités par leur mère sont souvent considérés comme moins sujets à l’obésité et aux maladies de façon générale. Selon le professeur Tounian, « on ne fera jamais aussi bien que le lait maternel ».


Les enfants allaités par leur mère seraient moins malades, moins susceptibles de souffrir d’obésité, de maladies chroniques et… plus intelligents que ceux nourris au biberon. Ces croyances populaires circulent depuis des décennies. Mais sont-elles fondées ? Nous avons posé la question à des médecins.

« L’allaitement maternel est indiscutablement meilleur », affirme le professeur Patrick Tounian, chef du service de nutrition pédiatrique à l’hôpital Trousseau à Paris et vice-président de la Société française de pédiatrie (SFP). « On ne reproduira jamais aussi bien que le lait maternel », ajoute Frédéric Huet, chef du service pédiatrie du CHU de Dijon.

### La composition du lait

La composition nutritionnelle du lait maternel est parfaitement adaptée au nourrisson. « Elle évolue avec le temps et s’ajuste aux besoins du bébé en fonction de son âge », précise le professeur Huet. En termes de qualité, le lait maternel contient tous les sucres, protéines et graisses adaptés à la digestion du nourrisson. Tout est donc utilisé, avec quasiment aucun excès. Les industriels ne peuvent pas reproduire les 300 molécules présentes dans le lait maternel, selon le médecin.

Cependant, les préparations pour nourrissons ont beaucoup progressé. « Les industriels ont diminué le dosage en protéines et en lactose, et ont ajouté des oméga 3 et 6 ainsi que de la vitamine D », indique Arnault Pfersdorff, pédiatre et auteur du livre *Bébé, premier mode d’emploi* (Éditions Hachette). Les préparations sont désormais très proches du lait maternel et adaptées aux nouveau-nés.

### Des anticorps de la mère

« Les anticorps de la mère, qui aident l’enfant à se défendre contre les infections, ne peuvent pas être reproduits dans le lait infantile », explique le professeur Tounian. C’est regrettable, car « les sucres présents dans le lait maternel, appelés oligosaccharides, arrive intacts dans le côlon et favorisent la prolifération de bactéries aidant au développement d’une immunité », affirme Frédéric Huet. En revanche, dans le lait industriel, le lactose est digéré par l’intestin, et il n’y aura plus de sucre pour les bactéries à l’arrivée du liquide dans le côlon.

Arnault Pfersdorff nuance cette théorie. « Le bébé allaité bénéficie des anticorps maternels seulement pendant les deux premiers mois, période où le nourrisson est souvent protégé. Dès deux mois et demi, tous les bébés fabriquent leurs propres anticorps et en développeront d’autres en fréquentant la crèche. »

### Moins d’infections ?

« Nous avons maintenant des preuves intéressantes montrant qu’un bébé allaité souffrira moins d’allergies alimentaires, sera moins souvent diabétique, présentera moins de maladies inflammatoires de l’intestin, et cela diminue probablement le risque d’obésité », avance le vice-président de la SFP. Cet avis est contesté par le professeur Huet. « Il est bon de promouvoir l’allaitement, mais il faut s’appuyer sur des éléments objectifs et prouvés. Or, de nombreuses études sont biaisées ou contradictoires. »

Le chef de service du CHU de Dijon déclare que « rien ne peut être affirmé de manière absolue, mais nous avons de grandes pistes, dont la plus solide concerne les infections. Les enfants allaités souffrent moins d’infections, notamment digestives, ORL et respiratoires, que ceux qui ne le sont pas. »

### Et l’obésité ? Et le QI ?

Le professeur Huet estime que les études montrant que les enfants allaités sont moins exposés à l’obésité sont également biaisées. « L’obésité est souvent déterminée génétiquement et est moins courante chez les personnes favorisées. Plus le niveau socio-économique est élevé, plus les femmes allaitent. »

Quant au QI, qui serait supérieur chez les enfants allaités, le professeur Tounian exprime des doutes quant à ce lien, bien qu’il mentionne une piste potentielle : « Jusqu’en 2020, la plupart des laits infantiles ne contenaient pas de DHA, un acide gras essentiel pour le développement cérébral. » Le pédiatre du CHU de Dijon ajoute : « Dans les années 1960, moins de 15 % des femmes allaitaient, et cela n’a pas conduit à une génération d’enfants désavantagés. »

C’est pourquoi, selon le docteur Pfersdorff, « il est important de déculpabiliser les mères qui n’allaitent pas. Les préparations pour nourrissons sont également très bonnes et le bébé y trouvera ce dont il a besoin. »