France

Bassin d’Arcachon : La reconstruction de certains campings « bousille la dune du Pilat »

A la dune du Pilat (Gironde),

Dans l’étroite bande qui sépare la dune du Pilat de la route de Biscarrosse, où se succèdent sur plusieurs kilomètres les cinq campings historiques situés au pied de la dune, les pelleteuses s’affairent, creusant, aplatissant, et déplaçant des moellons en pierre.

Infographie montrant la situation des campings, coincés entre la Dune du Pilat d'un côté, et de l'autre la forêt de La Teste, le long de la route de Biscarosse.
Infographie montrant la situation des campings, coincés entre la Dune du Pilat d’un côté, et de l’autre la forêt de La Teste, le long de la route de Biscarosse.  - Rapport IGEDD de 2024

Les travaux de reconstruction des campings qui avaient brûlé lors des grands incendies de 2022 – et qui avaient pu rouvrir pour certains dès l’été suivant en mode « dégradé » – tournent à plein régime. Un spectacle qui désole Jacques Storelli, président de la Coordination environnementale du Bassin d’Arcachon (Ceba). Ce dernier a déposé des recours au tribunal administratif contre les projets de reconstruction de trois des cinq campings incendiés, Pyla camping, le Camping de la dune et le Camping de la forêt.

Plus de mobile-homes que prévu

« La problématique commune à la reconstruction de ces trois campings, est la covisibilité avec la dune, résume Jacques Storelli. Cette covisibilité était déjà toute relative avant les incendies de 2022, elle sera désormais durable puisqu’il n’y a plus d’arbres, et qu’il faudra vingt ans avant qu’ils ne repoussent. » Ce qui va porter atteinte au monument naturel, estime l’association.

« On bousille le site classé de la dune », annonce le militant, pour qui certains campings prendraient des libertés sur le nombre de constructions « en dur », alors que le rapport Clément du ministère de l’Environnement de 2012, limitait le nombre de mobile-homes, dans le cadre de leur insertion paysagère.

Le Pyla Camping, l'un des cinq campings situés au pied de la Dune du Pilat.
Le Pyla Camping, l’un des cinq campings situés au pied de la Dune du Pilat. - Mickaël Bosredon / 20 Minutes

« Mais en 2022, quand tout est parti en cendres, les campings se sont sentis affranchis de ces préconisations : le rapport Clément a brûlé avec les campings, disait l’un d’eux, explique Marc Muret, conseiller municipal d’opposition (UDR) à La Teste-de-Buch, commune du bassin d’Arcachon sur laquelle est implantée la dune du Pilat. Et certains d’entre eux ont augmenté considérablement leur part de mobile-homes. »

Une reconstruction trop rapide ?

Petit retour en arrière. Le 20 juillet 2022, soit juste après les incendies qui ont ravagé la forêt usagère de La Teste située au pied de la dune, Emmanuel Macron s’était rendu sur place. Très attendu sur la question de la reconstruction des campings, il avait alors lancé, la main posée sur l’épaule du maire Patrick Davet (LR) : « On va vous aider à reconstruire, mais cela ne sera pas les mêmes campings qu’hier. […] On va bâtir des règles pour que ce qu’on reconstruise soit aux normes. Je veux reconstruire très vite. Je veux que l’on continue à attirer des touristes ici. »

Une « autorisation spéciale » était alors délivrée par le ministère de l’Environnement pour la reconstruction des campings en site classé. La portée de la voix du président aidant, serait-on allé un peu trop vite ? « Dans l’instruction de ces dossiers, on a malheureusement confondu vitesse et précipitation », pointait dans un rapport de février 2024, l’inspectrice générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), dépêchée sur place pour évaluer la candidature de la dune du Pilat au label Grand Site de France. Une candidature momentanément écartée, notamment au regard des problèmes de voisinage posés par les campings. Dans ses conclusions, l’experte estimait qu’une « vigilance particulière s’impose pour que cet incendie n’ouvre pas la voie à une dégradation irréversible des lieux et ne remette pas en cause les objectifs de préservation du paysage ».

« Tentes-lodge équipées de la fibre et de la clim »

Si la Ceba pointe les permis de construire de trois campings, Marc Muret en cible un tout particulièrement, le Pyla Camping. L’établissement qui appartenait auparavant au footballeur Mathieu Valbuena et à l’ex-rugbyman Stéphane Varella, a été revendu à l’été 2024 au groupe MS Vacances, pour 6,7 millions d’euros. « Pour moi, Pyla Camping est le seul qui pose problème, estime cet élu. Les matériaux employés et le gigantisme du chantier s’éloignent beaucoup du modèle d’hébergement de loisir auquel on est habitué ici », poursuit-il, s’étranglant devant la création de murs de soutènement en pierre, d’un terrassement étagé avec des paliers de cinq mètres, et de la construction d’un bâtiment en dur qui atteindra quasiment les onze mètres de hauteur.

Le bâtimet principal du Pyla Camping en reconstruction atteint quasiment 11 mètres de hauteur sur l'un des côtés.
Le bâtimet principal du Pyla Camping en reconstruction atteint quasiment 11 mètres de hauteur sur l’un des côtés. - Mickaël Bosredon / 20 Minutes

« Ils ont eu la main lourde, avec l’objectif d’installer plus de lodges et de mobile-homes, ce qui correspond davantage au souhait de la clientèle, mais ne colle pas du tout avec les préconisations de l’autorisation spéciale délivrée par le ministère de l’Environnement. C’est de l’artificialisation, dans une logique de lotissement. » Jacques Storelli n’en revient pas non plus « du nombre d’emplacements prévus dans ce camping, notamment d’habitations légères de loisirs (HLL), vocable derrière lequel on fait désormais passer tout un tas de choses, notamment des tentes-lodge équipées de la fibre et de la clim, ce qui est incompatible avec un site classé. »

Contacté par 20 Minutes, le groupe MS Vacances n’a pas donné suite à notre demande. Dans une plaquette de présentation du projet, on peut lire que « des travaux gigantesques ont démarré [sur ce site] pour lui redonner toute la splendeur qu’il mérite ».

« Où vont pousser les arbres ? »

D’un point de vue de la légalité, la préfecture de la Gironde rappelle que « les permis d’aménager ont été instruits par les services municipaux et les services de l’Etat ». « La Commission départementale de la nature, des paysages et des sites [CDNPS] a été consultée puis le ministère en charge des sites et paysages a délivré des autorisations ministérielles spéciales de travaux. Les permis ont ensuite été délivrés par le maire. Ils ont fait l’objet d’un contrôle de légalité des services de l’Etat. » Sans que personne ne trouve, jusqu’à présent, rien à redire.

Elle ajoute toutefois que des contrôles sont programmés « pour les prochaines semaines avant la réouverture de la saison touristique 2025 » et avertit que « les infractions constatées pourront donner lieu à des verbalisations ».

Le maire de La Teste, Patrick Davet, estime de son côté avoir « accordé des permis de construire correspondant totalement aux permis d’aménager ». « Nous irons effectivement vérifier si ces reconstructions correspondent bien aux permis de construire, nous explique-t-il. Moi, je le pense. Il faut aussi se projeter vers l’avenir, et imaginer comment cela va être avec des arbres. Quand la végétation aura repoussé, cela ressemblera à ce que c’était avant, avec des améliorations sur pas mal de sujets, comme la récupération des eaux, des graisses, sur les matériaux qui sont plus vertueux que ce qu’il y avait autrefois. » « Mais où vont pousser les arbres ?, interroge Marc Muret. Si vous comptez les emprises des mobile-homes et des lodges, les pistes et les murs en pierres, il n’y a plus de place pour faire pousser quoi que ce soit. »

Ensablement et relocalisation

Sur le cas spécifique de « l’empierrement » au Pyla Camping, le maire assure que « les mûres de pierre ont toujours existé, pour retenir la dune ». Celle-ci recule effectivement vers la forêt, de l’ordre d’un à cinq mètres par an selon les vents, grignotant petit à petit l’espace des campings. Ce qui fait dire d’ailleurs à Marc Muret que « ces enrochements finiront par se faire avaler par la dune. Cela n’a donc pas de sens d’être parti dans du terrassement, pour quelque chose qui sera éphémère. » Avant d’aller plus loin : « La destruction des campings par les incendies, aurait dû être l’occasion de réfléchir à leur déplacement. Le maire aurait dû obtenir une relocalisation, plutôt qu’une reconstruction. Là, c’est reculer pour mieux sauter. »

Un discours qui agace Patrick Davet. « Oui, c’est moi qui aie voulu cette reconstruction à l’endroit où ils étaient, et qui l’a demandé à Emmanuel Macron quand il est venu. Sinon, jamais ils n’auraient revu le jour. Les campings, on en a besoin, et jusqu’à présent, trois endroits nous ont été proposés pour une relocalisation, qui sont totalement irresponsables. » Pour l’élu, « la seule solution qu’il faudra travailler si l’on doit délocaliser, c’est de l’autre côté de la route de Biscarrosse. Une route qu’il va d’ailleurs falloir bouger très rapidement. »

Notre dossier sur le Bassin d’Arcachon

« La question des campings devrait conduire sans attendre à une réflexion sur leur relocalisation à terme, puisqu’on voit mal comment ils pourraient échapper à l’ensablement », estime de son côté l’inspectrice de l’Igedd dans le rapport qu’elle a rendu. Avant de prévenir : « Il conviendra de garantir avec fermeté que le simple déplacement des campings de l’autre côté de la route forestière D218 [la route de Biscarrosse] ne sera pas accordé. » Le sujet est donc loin d’être clos.