France

Ballon d’or 2025 : Dembélé, du vilain petit canard au peuple

Ousmane Dembélé a remporté le Ballon d’or 2025 lors d’une cérémonie au théâtre du Châtelet à Paris. Il a exprimé sa gratitude envers le Paris Saint-Germain et a souligné que ce trophée était aussi celui du collectif.

Au théâtre du Châtelet (enfin, dans le bar d’à côté)

Ousmane, à la fois adoré, critiqué, et parfois moqué, a été consacré ! En paraphrasant le Grand Charles, il apparaît que Paris n’avait pas connu une telle agitation ni une telle joie collective depuis la Libération, en ce soir de Ballon d’or 2025 au théâtre du Châtelet, pendant que les trois-quarts de l’équipe subissaient la défaite contre l’OM, à environ 800 km de là.

On en rigole, bien sûr, mais personne n’a oublié les victoires de France en 1998 et 2018, le PSG en 2025, les Gilets Jaunes ou encore les Jeux Olympiques mémorables. Malgré tout, voir le jeune homme de Vernon, avec son sourire d’enfant et son air espiègle, soulever le plus prestigieux trophée individuel du football dans sa ville, Paris, était profondément émouvant lundi soir.

Pour une fois, ce sont surtout les larmes qui ont envahi le visage du nouveau Ballon d’or lorsqu’il a évoqué sa mère, sa famille et les épreuves qu’ils ont affrontées ensemble au fil des ans. « Je ne comptais pas pleurer, je voulais rester fort, mais dès que j’ai parlé de ma famille, les émotions sont montées et c’est sorti », a-t-il confessé, seul sur la scène du théâtre du Châtelet, transformée en conférence de presse royale pour l’occasion. Son parcours, lui aussi, est touchant.

De Vernon à la piste aux étoiles

C’est émouvant, car voir Dembélé remporter le Ballon d’or relève plus de l’anomalie, d’une rupture dans le monde du football, que d’un conte classique. Il le reconnaissait lui-même, lundi soir. « Je suis content, même si le Ballon d’Or, pour moi, ça n’a pas vraiment été un objectif dans ma carrière. Quand je vois la liste, il n’y a que des légendes, que des grands joueurs… », a-t-il admis, comme s’il ne se sentait pas à sa place, lui, le gamin de Normandie, qui n’était pas destiné à briller de mille feux.

Bien sûr, on parle tout de même d’un jeune homme doté d’un talent exceptionnel, incapable de déterminer quel de ses deux pieds est le plus performant, tant chacun d’eux est doué, et qui a toujours été pressenti par les plus grands entraîneurs du monde pour avoir un avenir radieux. Cependant, son parcours n’a pas été linéaire, loin de là, et pour être honnête, beaucoup avaient perdu l’espoir de voir « Dembouz » se transformer en un maestro capable de mener son équipe au sommet de l’Europe. Nous nous étions trompés, et nous en sommes ravis.

Son transfert de Dortmund au Barça marquait alors un défi de taille pour celui qui sortait de deux belles saisons en Allemagne, mais qui arrivait en Catalogne avec la pression de remplacer Neymar, parti au PSG à l’été 2017. De son passage au Barça, on retient certes quelques performances exceptionnelles et des buts mémorables, mais également de nombreuses blessures, des écarts de conduite et un mode de vie plus adapté à un étudiant qu’à un footballeur de haut niveau.

La mère d'Ousmane Dembélé est montée sur scène.
La mère d’Ousmane Dembélé est montée sur scène.  - Franck FIFE

Maturité tardive, consécration explosive

Parti très jeune à l’étranger sans sa mère, son soutien, elle aussi en larmes lundi soir, Ousmane a d’une certaine manière traversé l’adolescence que beaucoup d’entre nous avons connue. Une existence d’excès, de jeux vidéo et de nourritures peu saines jusqu’au matin, signes d’une jeunesse insouciante. Un de ses anciens chefs cuisiniers avait énoncé un verdict sans appel il y a quelques années dans les colonnes du Parisien.

« « Ousmane est un gentil garçon, mais il n’a pas sa vie entre ses mains. Il vit constamment avec son oncle et son meilleur ami, qui n’osent rien lui dire. C’est une vie cahotante. Je n’ai jamais vu d’alcool, mais il ne respecte pas du tout ses plages de repos, il n’y a aucune structure de haut niveau autour de lui. J’ai essayé de lui tendre la main mais il est sous influence. S’il ne réagit pas, il va se mettre tout le monde à dos à Barcelone. » »

Mais tout vient à point à qui sait attendre. Si certains mûrissent plus tôt, le numéro 10 parisien a pris son temps. « Chacun son chemin », avait confié son premier entraîneur professionnel Philippe Montanier. « Comme Kylian, c’était un talent très précoce, mais peut-être que les étapes se sont enchaînées trop rapidement pour lui, de Rennes à Dortmund, puis de Dortmund au Barça. Aujourd’hui, les jeunes mûrissent si vite qu’ils franchissent parfois trop d’étapes, ce qui peut les ralentir dans leur progression, et c’est peut-être ce qui a pu arriver à Ousmane. »

Dembélé, le vrai Ballon d’or du peuple

C’est au moment où l’on n’attendait plus grand-chose de lui, alors que Luis Enrique affirmait il y a tout juste un an que son équipe serait bien meilleure sans Kylian Mbappé, qu’il a réussi à transformer la situation. Grâce à un repositionnement stratégique sur le terrain et à une nouvelle prise de responsabilités, le jeune homme est devenu une machine à marquer (37 buts toutes compétitions confondues la saison passée), à passer (15 passes décisives), à gagner et à faire gagner. Le type de joueur que tout le monde rêve d’avoir dans son équipe, tant par sa capacité de travail que sa bonne humeur contagieuse et son sens du collectif. Cela fait également écho à ce collectif qu’il a tenu à saluer lundi soir.

« Je tenais à remercier le Paris Saint-Germain qui m’a recruté en 2023, c’est vraiment une incroyable famille. Ils ont été exceptionnels dès le premier jour. Le président Nasser, avec qui j’ai toujours été en contact, a été exceptionnel avec moi, c’est comme un père pour moi. Je veux aussi remercier tout le staff, l’entraîneur Luis Enrique, qui lui aussi est comme un père pour moi, il a été vraiment une personne très importante dans toute ma carrière, même si elle n’est pas encore terminée. Et je remercie tous mes coéquipiers. Vous m’avez soutenu dans les bons comme dans les mauvais moments. Ce trophée individuel, c’est vraiment le collectif qui, pour moi, l’a gagné. »

Dembélé a partagé son Ballon d'or avec les supporters parisiens présents par centaines lundi soir au théâtre du Châtelet.
Dembélé a partagé son Ballon d’or avec les supporters parisiens présents par centaines lundi soir au théâtre du Châtelet.  - Franck FIFE

L’équipe et les coéquipiers avant sa propre satisfaction, fidèle à lui-même. C’est en partie pour cela que Dembélé est l’un des joueurs les plus aimés et respectés dans notre pays, que l’on soit Parisien, Rennais, Lyonnais ou même Marseillais. Un garçon simple, authentique, discret, qui a su créer le consensus autour de lui grâce à sa bienveillance et son humanité, loin du star-système qui fatigue et dégoûte parfois.

Trois ans après Karim Benzema, Ousmane Dembélé incarne peut-être mieux que quiconque ce fameux « Ballon d’or du peuple », loin du bling-bling ostentatoire de l’ancienne légende madrilène. Un peuple qui a célébré avec lui dès sa sortie du théâtre du Châtelet, pour fêter ensemble ce titre individuel avec des centaines de supporters du PSG qui l’ont attendu toute la soirée sous la pluie, brandissant des drapeaux, des tambours et des fumigènes. Ce titre lui appartient aussi. Il appartient à tous les amateurs de football authentique, où l’individu n’existe que pour et par le collectif. Et lundi soir, il nous l’a encore rappelé.