France

Azerbaïdjan : « On se sent abandonnés », dénonce l’avocate de Théo Clerc, le graffeur français emprisonné

Le cauchemar de Théo Clerc en Azerbaïdjan va-t-il prendre fin lundi ? L’artiste français de 38 ans, peintre pour le cinéma et la mode mais aussi graffeur reconnu, a été arrêté le 31 mars dernier à Bakou pour avoir tagué une rame de métro. Il a été placé en détention et condamné à trois ans de prison en septembre par la justice azérie. Avant le jugement du trentenaire en appel lundi midi (heure locale), son avocate déplore ses conditions de détention du trentenaire. Me Margot Fontaine craint que les nouvelles tensions entre la France et l’Azerbaïdjan apparues en marge de la COP 29 à Bakou ne pèsent sur le sort de son client.

Dans quelles conditions sera jugé Théo ce lundi ?

Me Margot Fontaine. Si l’on se fie à l’audience de première instance, il n’y aura pas de huis clos. Théo pourra s’exprimer, il sera aidé par un traducteur. Je ne serai pas présente au procès, ni sa famille, mais il dispose d’un avocat azéri pour l’assister.

Le jugement devrait être rendu dans la foulée de l’audience. En cas de peine de prison ferme, un pourvoi en cassation est possible. En France, le pourvoi suspend l’exécution provisoire, je ne sais pas si c’est le cas en Azerbaïdjan. Si toutes les voies de recours sont épuisées, un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme est possible. Les multiples demandes de remises en liberté ont été rejetées.

Le procès se tiendra trois jours après la fin de la COP 29 organisée à Bakou. Cette concomitance du calendrier politique et judiciaire peut-elle aider Théo ?

Non malheureusement. D’abord, l’audience d’appel était initialement prévue le 28 octobre dernier, avant un report trois jours après la fin de la COP 29, ce qui interroge. On a sollicité le ministère de la Transition écologique, le Quai d’Orsay, le Premier ministre, la ministre de la Culture. Le cabinet de la Transition écologique nous a répondu que le cas de Théo ne serait pas évoqué (voir encadré) par la délégation interministérielle présente à Bakou. C’est problématique, car ça aurait été une excellente opportunité de plaider sa cause devant les autorités azéries.

Les tensions diplomatiques entre Paris et Bakou se répercutent-elles encore sur le cas de votre client ?

Son cas, c’est le fruit des mauvaises relations entre les deux pays. Nous avons peur que le boycott français de la COP29 (pour la première fois depuis 2015, la COP se tient sans haut représentant français*) attise encore plus les tensions. On craint une mesure de rétorsion à l’égard de Théo pour sanctionner la France.

Lors d’une visite en prison en mai dernier, le frère de Théo avait constaté une dégradation « inquiétante » de son état physique et psychologique. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Nous sommes toujours inquiets de ses conditions de détention. Dans un premier temps, il avait été placé en cellule avec huit à 12 codétenus, il n’y avait pas assez de lits pour tout le monde. Depuis quelques mois, sa cellule est un peu plus confortable, il a payé pour intégrer une cellule avec seulement trois autres codétenus. Mais les conditions restent mauvaises. L’eau courante n’est pas potable, elle coule noire. Il faut donc en acheter. Il peut acheter du riz et quelques produits de première nécessité auprès de la prison, mais le reste de la nourriture doit être apporté par des tiers.

Pour ce graffiti, Théo Clerc a été condamné à trois ans de prison en Azerbaïdjan.
Pour ce graffiti, Théo Clerc a été condamné à trois ans de prison en Azerbaïdjan.  - DR

Sauf que depuis début novembre, ses deux amis graffeurs ont pu rentrer chez eux et ne lui rendent donc plus visite. Pour l’instant, il est nourri avec ses codétenus qui mettent tout en commun, mais on ne sait pas combien de temps ça va durer. Ni l’ambassade ni le quai d’Orsay ne nous assistent sur le sujet, on se sent abandonnés. C’est problématique et choquant. On ne peut être qu’inquiet sur son sort en détention.

* La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a annulé sa présence à Bakou en réaction aux propos du président azéri Ilham Aliev qui a critiqué les « crimes du régime Macron » dans les territoires d’Outre-mer.