Avec son discours de politique générale, François Bayrou a-t-il bougé les lignes à l’Assemblée ?
A l’Assemblée nationale,
Après quelques minutes, François Bayrou semble un peu perdu à la tribune. Il remue les feuilles posées devant lui. « Il y a eu un peu de mélange dans mes pages… » Depuis leurs sièges, les insoumis s’en amusent, alors qu’on apporte au Premier ministre la partie manquante. « C’est parce que je suis un néophyte, je suis bien obligé d’apprendre ce métier », s’amuse-t-il avant de poursuivre sa déclaration de politique générale. Le maire de Pau, dans le bain politique depuis près de cinquante ans, est pourtant loin d’être un novice. Il sait mieux que personne que son discours devant les députés pouvait lui permettre de s’offrir un peu d’air pour la suite.
Une réforme des retraites « remise en chantier »
Car depuis sa nomination à Matignon, fin décembre, François Bayrou tente de décrocher le Parti socialiste. A la différence de son prédécesseur, Michel Barnier, dont le sort dépendait du bon vouloir du Rassemblement national, le nouveau Premier ministre semblait vouloir miser sur une partie de la gauche pour consolider sa place à Matignon. Jusqu’à lundi soir encore, le chef du gouvernement tentait donc en coulisses de s’assurer d’un accord de non-censure avec le groupe PS. Avec au cœur des échanges, la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, dont Olivier Faure, le patron du PS, espérait une « suspension ».
Alors, quand François Bayrou évoque ce mardi à la tribune la réforme tant décriée, l’hémicycle retrouve son calme un court instant pour écouter. Le Premier ministre annonce vouloir « remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux, pour un temps bref » et ce « dès vendredi ». Il assure le faire sans « aucun tabou, pas même l’âge » mais exige de ne pas « dégrader l’équilibre financier » du système. « Si au cours de ce conclave, cette délégation trouve un accord d’équilibre et de meilleure justice, nous l’adopterons », promet le centriste. Sinon, c’est « la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer ». L’hémicycle vibre à nouveau. Les insoumis raillent les maigres concessions obtenues par leurs collègues socialistes.
Les socialistes déçus
A l’issue du discours, les socialistes ont la mine grave. Philippe Brun, député PS de l’Eure, s’estime dupé. « Il y a eu quelques annonces, mais c’est insuffisant. Revenir à la réforme des retraites initiale de Macron s’il n’y a pas d’accord au bout de trois mois, ce n’est pas acceptable. Par ailleurs, aucune des négociations budgétaires évoquées avec les ministres ces derniers jours n’a été annoncée. C’est très décevant », soupire l’élu devant les journalistes. A la tribune, le patron du groupe PS, Boris Vallaud, demande des comptes à François Bayrou sur la « contribution sur les hauts patrimoines », la « taxe sur les transactions financières », le sauvetage de « 4.000 postes dans l’Education nationale », soit tous les sujets négociés ces dernières heures avec son gouvernement… « A vous écouter, je dois vous le dire, le compte n’y est pas », regrette le socialiste. François Bayrou tente dans la foulée de répondre aux interrogations, mais sans vraiment convaincre.
Leurs alliés insoumis, communistes et écologistes n’attendent pas plus longtemps pour déposer une motion de censure. Celle-ci devrait être débattue ce jeudi, mais ne risque pas de faire tomber le gouvernement sans les voix du RN. Les socialistes déçus seront-ils de la partie ? Au JT de TF1, ce mardi soir, Olivier Faure s’est montré très flou, demandant davantage de concessions de la part de François Bayrou. Comme un aveu que le grand oral de ce dernier n’a finalement pas changé grand-chose.