« Avantages à vie » : La protection policière des anciens ministres ne serait-elle plus assurée ?
Sébastien Lecornu a décidé de s’attaquer aux « avantages » octroyés notamment à ses prédécesseurs à Matignon, notamment en limitant la protection policière des anciens Premiers ministres à « une durée limitée » et non plus « à vie ». En 2019, le coût de la protection des anciens Premiers ministres s’est élevé, pour le SDLP, à 2.802.903 euros, selon des informations fournies en juin 2020 par la place Beauvau à la députée Aude Bono-Vandorme.
L’heure est à la réduction des coûts. Dès sa nomination, Sébastien Lecornu a choisi de remettre en question les « avantages » accordés, notamment à ses prédécesseurs à Matignon. Une protection policière continuera d’être fournie aux anciens Premiers ministres et ministres de l’Intérieur, mais seulement « pour une durée limitée » et non plus « à vie », a annoncé le nouveau chef du gouvernement sur le réseau social X. Cette protection pourra être « reconduite en fonction de la réalité du risque », a précisé le ministre. Gilles Furigo*, un ancien policier ayant travaillé 23 ans au sein du Service de protection des hautes personnalités (SPHP), service qu’il a dirigé jusqu’en 2012, a déclaré à 20 Minutes : « C’est quelque chose que je réclamais à cor et à cri à l’époque. »
Actuellement, 1.471 agents sont affectés au SDLP, le service de protection, selon le site de la police nationale. Gilles Furigo a mentionné avoir eu jusqu’à 70 fonctionnaires pour assurer ces missions de protection d’anciens ministres. Il souligne que ces mesures de protection sont importantes. Les économies issues de la décision de Sébastien Lecornu ne semblent pas considérables face au déficit exorbitant de la dette française.
Cependant, Furigo considère cette idée pertinente « dans le cadre d’une bonne gestion administrative », affirmant que « les petits ruisseaux font les grandes rivières ». En 2019, le coût de la protection des anciens Premiers ministres s’élevait à 2.802.903 euros pour le SDLP, comme l’indiquait en juin 2020 la place Beauvau à la députée Aude Bono-Vandorme, alors élue LREM de l’Aisne. Ce montant englobe « la masse salariale, les heures supplémentaires, les frais de mission […] et les véhicules ».
Un avantage « très confortable »
« Chaque personnalité n’est pas forcément sous menace. Certaines ont pu prendre des mesures ou faire adopter des lois un peu spécifiques. Effectivement, celles-ci peuvent bénéficier d’une protection durant deux ou trois ans », ajoute l’ancien responsable du SPHP. En décembre dernier, Élisabeth Borne, Première ministre de mai 2022 à janvier 2024, déclarait sur France 3 qu’une « protection et une sécurité lui paraissent adaptées » en raison des réformes « pas toutes populaires » qu’elle a mises en œuvre, dont la réforme des retraites.
Gilles Furigo relève cependant que d’autres figures ayant exercé à Matignon il y a longtemps, comme Édith Cresson, 91 ans, ou Édouard Balladur, 96 ans, continuent de bénéficier d’une protection policière. « Sont-ils menacés ? La réponse est évidemment non. » Jean Castex a, quant à lui, renoncé à sa sécurité après son départ de Matignon.
Pourquoi ces ministres s’accrochent-ils à cet avantage malgré son inutilité ? « Parce que c’est très confortable », constate Gilles Furigo. « Vous avez un véhicule, un chauffeur, un officier de sécurité. En voyageant en avion, celui-ci contacte la police aux frontières et vous n’aurez pas à arriver deux heures avant à l’aéroport. Pour des raisons de sécurité, il faut éviter que la personnalité protégée soit trop longtemps dans la foule. Vous arrivez juste à temps pour monter dans l’avion. Quand un service de police propose de retirer cette protection, cette personne consulte l’Intérieur ou le président pour tenter de maintenir cet avantage. »
« La pointe de l’iceberg »
Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat de police Un1té, se montre également favorable à cette annonce. « Cela va donner de l’air à nos collègues employés pour ce type de mission », déclare-t-elle à 20 Minutes. « Depuis environ dix ans et la vague d’attentats terroristes, il y a eu une augmentation des demandes de sécurisation de personnalités. Or, le SDLP n’a pas été significativement renforcé. En conséquence, certains de nos collègues cumulent plus de 10.000 heures supplémentaires ! »
Cependant, les anciens Premiers ministres et ministres de l’Intérieur qui profitent de ce service ne représentent « en réalité que la pointe de l’iceberg », remarque Linda Kebbab. Elle ajoute : « Il existe de nombreuses autres personnalités qui ne sont pas à risque et qui en bénéficient. C’est très chronophage et mobilise beaucoup d’effectifs. Des policiers travaillent tard dans la nuit alors que ce n’est pas justifié, et ils ne sont pas toujours bien traités par ces personnalités qui oublient qu’il s’agit d’un service public financé par le contribuable. »
* « Les Gorilles de la République », une histoire du service de protection des hautes personnalités, de Gilles Furigo, éditions Mareuil, 18 euros

