France

Avant Thierry Breton, un autre Breton sous sanctions américaines témoigne.

Nicolas Guillou, placé sous sanctions américaines en août dernier avec cinq autres juges et trois procureurs de la Cour pénale internationale, fait partie des personnalités sur la liste noire de Washington. Les États-Unis maintiennent des mesures qui peuvent durer plus d’une décennie et qui interdisent à toute personne physique ou morale américaine de fournir des services à ceux qui sont sous sanctions.


Son quotidien est rapidement devenu complexe. Nicolas Guillou, placé sous sanctions américaines en août dernier avec cinq autres juges et trois procureurs de la Cour pénale internationale (CPI), fait partie des personnalités figurant sur la liste noire de Washington.

Quatre mois avant ce mardi et les sanctions prononcées contre Thierry Breton et quatre autres personnalités européennes luttant contre la désinformation en ligne, le juge breton de la CPI évoquait les difficultés causées par ces mesures. Concernant Thierry Breton, les autorités américaines n’ont pas précisé les raisons de ces sanctions, si ce n’est une interdiction de visa.

**Des comptes bloqués**

Pour Nicolas Guillou, la situation est parfois insupportable. « Être sous sanctions, c’est être renvoyé dans les années 1990 », déclare-t-il au *Monde*. Être sur la liste noire américaine, originellement créée pour combattre le terrorisme et le trafic de drogue, signifie ne pas seulement être interdit d’entrée sur le territoire américain. Nicolas Guillou n’a plus accès à ses comptes dans des entreprises américaines comme Amazon, Airbnb ou PayPal. De plus, il a vu une réservation d’hôtel, pourtant située en France, annulée par le site Expedia.

C’est « l’ensemble des actes de ma vie quotidienne » qui sont affectés, car ces sanctions « interdisent à toute personne physique ou morale américaine, tout individu ou toute entreprise, ainsi que leurs filiales à l’étranger, de me fournir des services », précise-t-il dans les pages du quotidien.

**Interdit bancaire dans beaucoup de pays**

Des actions simples deviennent très difficiles. Les États-Unis, en tant que première puissance mondiale, dominent de nombreux domaines, notamment le système bancaire. American Express, Visa, MasterCard… Tous ces systèmes de paiement sont américains.

Il est impossible d’effectuer des transactions bancaires avec une personne physique ou morale américaine, ou toute opération en dollars. Certaines banques, même si elles ne sont pas américaines, choisissent de clôturer le compte d’une personne sous sanctions. Fatalement, « vous êtes interdit bancaire sur une bonne partie de la planète », résume Nicolas Guillou. Être sous sanctions représente finalement une « impuissance permanente » qui vise à décourager les militants et personnalités dérangeant Washington, dans le contexte où « ces mesures peuvent être maintenues pendant plus d’une décennie, voire plus ».

**Une politique globale signée Trump**

Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a pris l’Europe pour cible. Dans sa nouvelle Stratégie de sécurité nationale, récemment publiée, évoquant un « effacement civilisationnel » de l’Europe, Washington met en avant les instances européennes « qui sapent la liberté politique et la souveraineté », les politiques migratoires ou encore « l’effondrement des taux de natalité » sur le Vieux continent.

Dès février, le vice-président américain, JD Vance, avait choqué les Européens lors d’un discours à Munich où il affirmait que la liberté d’expression « reculait » sur le continent. Il adoptait alors les points de vue des partis d’extrême droite comme l’AfD, en Allemagne.

Et en mai, le secrétaire d’Etat américain avait annoncé des restrictions de visas pour les étrangers accusés de « censurer les Américains », soulignant que la liberté d’expression était « essentielle au mode de vie américain ».

Par ailleurs, un récent mémo du département d’Etat, mentionné dans la presse américaine, évoque de nouvelles directives du gouvernement américain visant à restreindre les visas pour des personnes travaillant dans la tech (les visas H-1B), notamment spécialisées dans la modération de contenu.