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Aux Etats-Unis, le spectre d’un « chaos » migratoire à la frontière sud

Joe Biden l’a concédé, la situation risque d’être « chaotique pendant un moment ». A 23h59, la fin de l’état d’urgence sanitaire en place depuis le début de la pandémie de Covid-19, qui avait permis à l’administration Trump de verrouiller la frontière sud, risque de provoquer un afflux sans précédent de centaines de milliers de migrants espérant obtenir l’asile aux Etats-Unis. L’administration Biden a imposé de nouvelles restrictions, mais ces dernières risquent d’avoir un impact limité à court terme. Seule une réforme en profondeur de l’immigration au Congrès pourrait changer la donne, mais rien ne risque de bouger avec la campagne qui bat déjà son plein pour la présidentielle de novembre 2024. Dans l’immédiat, l’Etat fédéral a mobilisé « plus de 24.000 agents et forces de l’ordre » à la frontière, en plus de 4.000 militaires.

Qu’est-ce le « title 42 », et qu’est-ce qui change à partir de vendredi ?

Avec 70 % de la population américaine vaccinée contre le Covid-19, et moins de 200 morts quotidiens, contre plus de 3.000 au pic de la pandémie, l’urgence sanitaire va être levée ce 11 mai à 23h59 (heure de Washington). Avec elle, c’est également la fin du « Title 42 », une mesure mise en place par Donald Trump permettant de refouler tous les migrants à la frontière, y compris les demandeurs d’asile, et d’expulser immédiatement ceux ayant réussi à rentrer illégalement aux Etats-Unis.

En trois ans, il a été utilisé 2,8 millions de fois. Le système précédent, surnommé par ses détracteurs républicains « catch and release », obligeait les autorités ayant arrêté un demandeur d’asile à le remettre en liberté, le temps qu’il soit présenté à un juge, ce qui pouvait prendre plus de cinq ans avec un système saturé.

Quelles mesures ont été prises par Joe Biden ?

Sujet brûlant, la situation à la frontière plombe – avec l’inflation – Joe Biden en vue de la présidentielle de 2024. Le démocrate tente de trouver un juste milieu entre la fermeté et l’humanité, avec de nouvelles mesures pour restreindre les demandes d’asile sans revenir à des politiques décriées comme la séparation des familles. Son administration mise sur trois approches :

  • Les migrants transitant par un autre pays comme le Mexique doivent d’abord demander l’asile dans ce pays avant de pouvoir le faire aux Etats-Unis, sous peine d’être reconduits à la frontière. L’administration Trump avait tenté une approche similaire plus stricte, qui avait été retoquée par la justice américaine, et on risque d’assister à un combat judiciaire similaire.
  • Les migrants doivent demander l’asile avant de franchir la frontière via l’appli CBP One. Mais les smartphones, le wifi et l’électricité sont un luxe pour des personnes fuyant les violences et la pauvreté, et l’appli est souvent saturée.
  • Un nouveau mécanisme permettant de venir légalement à condition d’avoir un citoyen américain comme garant financier a été mis en place, avec des premiers centres en Colombie et au Guatemala.

Combien de migrants sont massés à la frontière ?

Au total, plus de 660.000 migrants attendent au Mexique, selon une estimation du département américain à la sécurité intérieure obtenue par le New York Times. Ils viennent principalement d’Amérique latine (Mexique, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Cuba, Venezuela) mais également du reste du monde (Ukraine, Russie, Afghanistan, Syrie).

En ce moment, plus de 10.000 personnes franchissent illégalement la frontière chaque jour, notamment le long du Rio Grande. Des milliers deviennent des sans-abri dans des villes frontières comme El Paso, au Texas.

Quelle est la solution de long terme ?

La dernière réforme en profondeur de l’immigration date de 1986, sous Ronald Reagan. Depuis, chaque président s’est cassé les dents sur ce dossier, avec un Congrès divisé et paralysé. George W. Bush est passé près mais ses efforts ont été torpillés par son camp en 2007 au Sénat, où 60 voix sur 100 sont nécessaires.

Barack Obama a beaucoup promis, mais il a privilégié la réforme de la Santé quand il disposait d’une large majorité puis a échoué en 2013 face aux républicains et au Tea Party à la Chambre. Depuis, les divisions se sont creusées, et l’immigration sera l’un des enjeux principaux de la présidentielle. Sans que personne ne soit vraiment en mesure de rassembler autour d’un compromis.