France

Aubergine, jupe, algèbre : les mots français d’origine arabe.

La journée mondiale de la langue arabe est célébrée chaque 18 décembre. En 2017, le lexicographe Roland Laffitte estimait « qu’environ 400 à 800 mots couramment utilisés en français portent la marque de la langue arabe ».


« Le matin, je prends une tasse de café avec zéro sucre et un jus d’orange. » Dans cette phrase, cinq mots d’origine arabe peuvent être identifiés : tasse, café, zéro, sucre et orange. C’est l’exemple que Jean Pruvost, lexicologue et historien de la langue française, donne pour illustrer son observation : « Sans s’en rendre compte, on parle souvent avec des mots arabes », déclare-t-il à 20 Minutes.

La journée mondiale de la langue arabe a lieu chaque 18 décembre. « En quantité, c’est la troisième langue d’emprunt en français après l’anglais et l’italien », précise le spécialiste, auteur de Nos ancêtres les Arabes : ce que notre langue leur doit (édition JC Lattès) et 100 mots latins pour bien écrire 1.000 mots français (éditions les Belles-Lettres).

En 2017, sur France Culture, le lexicographe Roland Laffitte avançait que « environ 400 à 800 mots couramment utilisés en français portent la marque de la langue arabe ». Ces mots apparaissent dans de nombreux domaines, allant de « l’arobase » à « l’algèbre », en passant par « l’estragon » et « l’amiral », dérivé de l’arabe « al amir », signifiant « chef de ».

### Sciences et fruits

Le spécialiste identifie six voies par lesquelles ces mots ont été intégrés à la langue française. Il y a d’abord les croisades, qui ont permis la découverte de la civilisation orientale, suivies par la conquête arabe, en particulier en Espagne. C’est de cette période que proviennent des termes savants encore usités aujourd’hui tels que « algèbre », « alchimie », « chiffre », « algorithme », « zéro » ou encore « azimut ». D’autres exemples incluent « assassin », issu de l’italien « assassino » mais dérivant de l’arabe « hashashine », et « hasard », emprunté à l’espagnol « azar », lui-même tiré de l’arabe « az-zahr », désignant un jeu de dés. Le mot « jupe » provient aussi de « djubbah », un long vêtement de laine porté par les hommes, introduit en français au XIIe siècle via l’italien « jupa ».

« En parallèle, il existe la voie commerciale : le bassin méditerranéen était dominé par la flotte arabe », rappelle Jean Pruvost. De nouveaux produits arrivent avec leurs appellations : aubergines, abricots, oranges, etc. Certains de ces noms transitent par plusieurs langues avant d’arriver au français. L’artichaut, par exemple, vient de l’arabe « al-karšufa », ayant évolué en « alcachofa » en espagnol. L’épinard provient de l’arabe d’Espagne « isbinah », devenu par la suite « spinarchia » en latin médiéval.

### Le vocabulaire de la colonisation

Une autre manière d’incorporer des mots arabes dans la langue française est celle des écrivains du XIXe siècle. Plusieurs auteurs, tels que Lamartine, voyagent vers l’Orient et enrichissent leurs écrits avec des termes exogènes. Victor Hugo publie également son poème Les Djinns dans le recueil Les Orientales en 1829.

« La colonisation a ensuite introduit un vocabulaire différent, celui des soldats », ajoute Jean Pruvost. Des termes comme clebs, bled, gourbi, toubib apparaissent alors. Le mot « nouba » provient de l’arabe « nuba », signifiant « service de garde ». Ce terme a ensuite désigné la musique jouée par les soldats devant les résidences des officiers, puis, en français, la musique des tirailleurs venus d’Algérie, ce qui a ensuite conduit à son sens de « fête », selon le dictionnaire Le Robert. Les mouvements de populations après la décolonisation vont également amener de nouveaux mots, tels que chicayas, utilisés par Emmanuel Macron, ou encore merguez.

Enfin, la dernière voie d’influence, selon Jean Pruvost, est celle du rap et des jeunes générations. Les mots d’origine arabe sont adoptés et utilisés tels quels, comme « wesh », « kiffer », « zouz » ou encore « seum ».