France

Attentats de janvier 2015 : Dix ans après les attaques, la menace terroriste demeure mais sous une autre forme

C’était il y a un mois précisément. Le 7 décembre dernier, trois étudiants – en informatique, psychologie et chimie – étaient mis en examen pour « associations de malfaiteurs terroriste criminelle », soupçonnés d’avoir envisagé une attaque terroriste sur le territoire. Aucune cible n’avait été arrêtée mais ils ont évoqué, dans leurs échanges, la possibilité d’attaquer au moyen d’engins explosifs le siège de la DGSI ou la mairie de Poitiers, en référence à la bataille de 732 où Charles Martel a repoussé les Sarrasins. Ce projet était le neuvième et dernier projet d’attaques violentes ayant visé la France en 2024.

« Depuis 2017, c’est le plus grand nombre d’attentats déjoués », a indiqué ce mardi le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, dans une interview donnée au Parisien à l’occasion des 10 ans des attaques ayant visé Charlie Hebdo et l’Hypercacher. Et d’insister : « La menace terroriste n’a jamais été aussi présente ». Un constat également dressé par le Parquet national antiterroriste (Pnat) : en décembre, il précisait que le nombre de procédures ouvertures « en matière de contentieux djihadiste » avait augmenté de 55 %, passant de 38 en 2023 à une soixantaine l’an dernier.

« Mise en place de dispositifs adaptés »

Cette hausse s’explique notamment par l’organisation, l’été dernier à Paris, des Jeux olympiques – trois des projets déjoués visaient cet événement –, mais également par le contexte international et notamment la guerre entre le Hamas et Israël. « La menace terroriste n’a jamais disparu, cela fait plus de dix ans qu’elle est très forte, mais l’attaque du Hamas en Israël a participé à l’aggravation de la situation », analyse une source spécialisée. L’évolution de la situation en Syrie, après le renversement du régime de Bachar al-Assad, est également observée de très près par les acteurs de l’antiterrorisme. Dans ce contexte troublé, l’éventuelle recomposition de l’État islamique ou l’émergence de groupes terroristes concurrents fait l’objet d’un suivi attentif.

Lundi, dans une note envoyée aux préfets que 20 Minutes a pu consulter, Bruno Retailleau les a appelés à redoubler de vigilance notamment lors des grands rassemblements. Faisant expressément référence aux attaques à la voiture-bélier ayant visé un marché de Noël en Allemagne et la Nouvelle-Orléans le soir du Réveillon, il les appelle à veiller « à la mise en place de dispositifs adaptés pour se prémunir des attaques terroristes et garantir la sécurité » : filtrage des accès, vidéoprotection, plan de circulation… Depuis mars 2023 et l’attentat qui a visé une salle de concert à Moscou, le plan Vigipirate est déjà à son maximum : « urgence attentat ».

D’une action projetée à une logique plus individualiste

Si dix ans après la vague d’attentats la plus meurtrière que la France ait connu, la menace reste donc à son comble, elle a toutefois évolué. L’année 2015 avait été marquée par une logique de commandos projetés – c’est-à-dire téléguidés – depuis l’étranger : la zone irako-syrienne pour les attentats revendiqués par l’État islamique, le Yemen pour les frères Kouachi, auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo. « L’affaiblissement de ces groupes, et notamment de l’EI, rend ce modèle moins prégnant. Ils n’ont plus les mêmes moyens, financier et humain, pour monter des opérations comme celles du 13-Novembre », confiait récemment une source sécuritaire.

Désormais, ces groupes terroristes se distinguent par leur capacité à embrigader à distance, notamment sur les réseaux sociaux, des ressortissants français et à les pousser à mener individuellement ou au sein de groupes très restreints des actions violentes. La tuerie de masses avec armes de guerre n’est plus le modèle prédominant : coûteuse, nécessitant des connexions pour se procurer du matériel, plus longue à mettre en place… elle est plus facilement détectable par les services spécialisés. Les groupes terroristes poussent donc les candidats au djihad vers des actions de proximité, à l’arme blanche ou avec un véhicule bélier.

Des profils de plus en plus jeunes

Les acteurs de l’antiterrorisme ont par ailleurs unanimement noté un rajeunissement des profils. Les trois jeunes hommes interpellés en décembre avaient 19 et 20 ans. En mars, un ado de 14 ans, soupçonné de projeter un attentat contre un centre commercial à Lille, a été mis en examen pour « association de malfaiteurs terroriste ». Le même mois, trois autres mineurs ont été interpellés par la DGSI : ils étaient en lien avec des Belges qui envisageaient un attentat contre une salle de concert à Bruxelles.

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« Alors qu’il y a quelques années encore, les mineurs mis en examen en matière terroriste se comptaient sur les doigts d’une main, nous en avons eu 15 en 2023 et 18 en 2024 », détaillait en décembre le PNAT à l’AFP.