Assemblée nationale : « J’ai craqué »… Les députés racontent pourquoi ils ont failli se battre
Les élus de la République représentent le peuple, leurs bons côtés, comme leurs travers. « Derrière l’armure, il y a un homme ou une femme », rappelle Nicolas Turquois. Jeudi, l’armure de ce dernier s’est fissurée. Le député MoDem, proche des macronistes, voltige entre les plateaux télé et les différents médias ce vendredi pour expliquer l’altercation qu’il est accusé d’avoir provoquée la veille à l’Assemblée nationale.
Alors que les députés débattaient sur la houleuse réforme des retraites lors de la niche parlementaire de La France insoumise (LFI), « la tension est montée », se souvient l’élu. Lors d’une suspension de séance, Nicolas Turquois s’avance « de manière déterminée » et invective « brutalement » l’un de ses collègues socialistes et voisins de banc, Mickaël Bouloux, raconte ce dernier. « J’étais passif et monsieur Turquois est venu vers moi, il était hors de lui, il m’a pris à partie dans une discussion brusque, confuse, il a mis une main sur moi et avait des gestes qui ont créé un tumulte », ajoute l’élu d’Ille-et-Vilaine. « J’ai reçu la colère de monsieur Turquois », résume-t-il.
Les raisons de l’énervement ? Nicolas Turquois accuse les députés insoumis d’avoir appelé les électeurs à le noyer de questions et commentaires par mail. « Je suis l’un des députés qui a déposé le plus d’amendements concernant la réforme des retraites et à cause de cela, j’ai reçu des centaines de messages, notamment d’insultes, à cause de cette communication très agressive », rapporte-t-il. Des méthodes « de name and shame et de diffusion des coordonnées » qu’il « n’accepte pas » et dénonce de manière véhémente, se disant victime d’une campagne de harcèlement. « J’ai parlé fort mais il n’y a pas eu un mot d’injure et aucune volonté physique, ce n’est pas mon style », assure le député proche du camp présidentiel. Il reconnaît néanmoins s’être déjà emporté en juillet dernier à l’encontre de députés du Rassemblement national.
De la tension au craquage
Des collègues s’interposent, notamment l’ancien ministre et président du groupe MoDem Marc Fesneau, pour tenter de calmer Nicolas Turquois et lui demander de redescendre et quitter l’Hémicycle. Les huissiers s’interposent. « Ils sont là pour assurer que les débats se passent dans les meilleures conditions et ont invité monsieur Turquois à sortir ce qu’il a fait », ajoute une source parlementaire. Mais avant de sortir, il croise Antoine Léaument, l’élu de La France insoumise qu’il accuse d’être à l’origine de la campagne de harcèlement dont il se dit victime. « Quand j’ai vu monsieur Turquois tendre son doigt vers Mickaël Bouloux, qui est plutôt sympa, je lui ai demandé de sortir, j’ai eu peur qu’il devienne violent », témoigne Antoine Léaument. « Il m’a dit que c’était de ma faute avant d’être arrêté par les huissiers et deux députés », ajoute l’élu LFI de l’Essonne.
« J’ai craqué », concède Nicolas Turquois qui se souvient d’un échange « très vif, très agressif » avec son adversaire politique qu’il qualifie de « rapace, de charognard ». Il plaide néanmoins une « réaction humaine et une situation liée à la fatigue [qu’il] regrette ». De son côté, Antoine Léaument a bien cru qu’il allait « s’en prendre un », « Nicolas Turquois aurait pu en venir aux mains, il a été arrêté avant », soutient-il. Antoine Léaument ne « demande pas de sanction » mais attend désormais des excuses de la part de Nicolas Turquois, « ce serait un minimum », estime-t-il. Un minimum vis-à-vis de sa personne mais aussi des électeurs afin d’atténuer les conséquences de ce « mauvais exemple ». Le principal intéressé a déjà fait son mea culpa auprès de Mickaël Bouloux et de « l’ensemble des députés » à travers les médias mais n’entend pas demander pardon à l’élu insoumis. S’il n’a pas encore prévu de porter plainte pour harcèlement, il « attend de voir la suite » et entend s’expliquer devant le bureau de l’Assemblée nationale.
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L’ambiance n’est donc pas encore apaisée à la veille du week-end et à l’aune de semaines qui s’annoncent encore turbulentes alors que des motions de censure contre le gouvernement en place sont dans les tuyaux. Tant qu’il n’y aura pas de bloc majoritaire sur les bancs de l’Assemblée, de telles situations pourraient se reproduire même si les députés estiment, comme Mickaël Bouloux, que ce genre de comportement « n’a pas sa place dans l’Hémicycle ».