France

Arrêt de C8 : La chaîne a-t-elle une chance d’être sauvée par le Conseil d’Etat vendredi ?

Le compte à rebours est lancé pour C8. La chaîne, dont l’éviction de la TNT a été décidée par l’Arcom et programmée au 28 février, n’a peut-être pas dit son dernier mot. Vendredi, le Conseil d’État se prononcera sur le recours formulé par la chaîne du groupe Canal+. Mais la Huit a-t-elle vraiment une chance de sauver sa fréquence sur la TNT ?

A quinze jours d’une fin programmée…

Le scénario est digne d’un thriller haletant sur le monde de la télévision. Une haute instance, l’Arcom, décide l’arrêt d’une chaîne, pour différentes raisons, mais une autre instance, le Conseil d’Etat, pourrait maintenir en vie ce média. Pour ajouter un zeste de suspense, cette dernière instance se prononce… dix jours seulement avant la fin programmée de ladite antenne. C’est le scénario en cours, et donc bien réel, chez C8.

Alors que les médias relayent, depuis des jours, la décision de l’Arcom sur l’arrêt de C8 et ses conséquences, le Conseil d’Etat va intervenir. Mais pourquoi aussi tardivement ? La plus haute juridiction française a été dans l’obligation d’attendre l’argumentation complète de l’Arcom sur sa décision d’arrêter d’émettre la chaîne détenue par Vincent Bolloré sur la TNT. A noter que l’instance administrative, l’ex-CSA, a pris son temps pour rendre son compte rendu. Ce qui n’a pas empêché C8 de réagir vite et de saisir le Conseil d’Etat, dénonçant ouvertement la décision du gendarme de l’audiovisuel.

« La décision de non-renouvellement de C8, première chaîne de la TNT, [est une] décision arbitraire de l’Arcom, dont l’une des missions est pourtant d’accompagner les transformations du paysage audiovisuel et numérique, a dénoncé Maxime Saada devant les sénateurs à la fin du mois de janvier. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas C8, il n’y a pas un pays au monde, à part en France, où on prend la première chaîne de la télévision et on décide de la supprimer. Ça n’existe pas ! »

… l’opposition à la fin de C8 s’organise !

Depuis la décision de l’Arcom, nombre de personnalités se mettent en avant pour défendre le maintien de la chaîne à l’antenne. La première d’entre elles se nomme Cyril Hanouna. L’animateur de « Touche pas à mon poste » croit dur comme fer à la survie de la Huit, où il officie depuis de longues années. « J’y crois juste pour une seule chose, a déclaré Cyril Hanouna dans son émission, mardi soir. Je crois qu’ils vont se poser la question  »qu’est-ce qui ferait le plus chier Cyril Hanouna ? », Donc je les laisse me répondre. » Ces derniers jours, des rumeurs circulent sur une arrivée prochaine du présentateur vedette au sein du groupe M6.

« Ce qui embête surtout l’animateur, c’est d’envoyer plusieurs personnes au chômage, a argumenté le chroniqueur de  »TPMP », Thomas Guénolé. Mais il a assuré que peu importe où il sera à l’avenir, il fera en sorte de tous les embarquer avec lui, y compris les techniciens. » La défense du groupe et des personnes qui y travaillent a également été celle de la maison mère, Canal+. La direction de la chaîne cryptée a annoncé, à la fin de l’année 2024, quelque 250 suppressions de postes, dont 150 en lien avec la fin de C8, selon l’intersyndicale du groupe. Enfin, toujours dans le numéro de « TPMP » de mardi, Bernard Montiel, proche du couple présidentiel, s’est étonné de la non-réaction d’Emmanuel Macron, alors que son épouse, Brigitte, l’a appelé « très inquiète ».

Au nom de la liberté d’expression

Au-delà du cadre du programme phare de C8, une tribune signée par Françoise Laborde et Renaud Dutreil dans Figarovox prend la défense de l’antenne. Pour eux, C8 n’est « pas une chaîne qui ressemble aux élites françaises. Elle est populaire au sens propre et au sens figuré, première chaîne en audience de la TNT, à l’antenne depuis vingt ans, regardée chaque mois par quarante millions de téléspectateurs, dont une grande partie issue des milieux populaires. Elle a su, indéniablement, capter un public que les médias traditionnels, et peut-être les élites françaises, ont perdu de vue. Loin d’être une simple chaîne de divertissement, elle est capable d’enflammer le débat public, d’être l’objet de controverses, d’en créer de nouvelles, incarnant cette diversité d’opinions, de niveaux socioculturels, de goûts, de langage qui est le corollaire de la liberté d’expression et du pluralisme. […]. Que serait la liberté d’expression si elle coulait sur les esprits comme l’eau tiède ? Que serait le pluralisme dans l’audiovisuel si toutes les chaînes étaient consensuelles ? Et que serait le droit s’il devait prendre parti pour un camp ou pour un autre ? »

A noter que Françoise Laborde, la sœur de l’ancienne présentatrice météo Catherine Laborde décédée dernièrement, a été membre du CSA (aujourd’hui Arcom), entre 2009 et janvier 2015. Renaud Dutreil a été, lui, ministre des PME et du commerce, puis ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’État sous Jacques Chirac, entre 2004 et 2007. Un soutien de poids, qui pourrait faire infléchir la décision de l’Arcom ?

Un premier refus du Conseil d’Etat

La mobilisation de ces derniers jours changera-t-elle la position du Conseil d’Etat ? Rien n’est moins sûr. Le 30 décembre dernier, ce même Conseil d’Etat avait déjà rejeté les recours en référé des chaînes C8 et NRJ12 contre le non-renouvellement de leur fréquence TNT par l’Arcom. L’institution avait estimé que la condition d’urgence nécessaire à un référé n’était « pas remplie ». Dans ses décisions, l’autorité de l’audiovisuel avait précisé que l’affaire serait examinée « dans les prochaines semaines ». Ces deux recours avaient donc été rejetés, au motif que l’Arcom n’avait pas statué définitivement. Une réponse définitive, cette fois, interviendra vendredi pour C8, à deux semaines seulement de son « possible » dernier jour d’émission.