France

Arrestation de Mohamed Amra : Le mythe de la chirurgie esthétique pour échapper à la police

Cheveux teints en roux, veste de sport noire et menottes aux poignets. Mohamed Amra a le sourire lorsqu’il arrive, dimanche, au tribunal de Bucarest. Le narcotrafiquant, âgé de 30 ans, a pourtant été arrêté la veille en Roumanie après neuf mois de traque. Selon le ministre roumain de l’Intérieur, Catalin Predoiu, « la Mouche », comme il est surnommé, « voulait faire des opérations (de chirurgie) esthétiques » avant de « quitter le pays pour la Colombie ».

Ancien patron de la BRI à Paris, Jean-Marc Bloch n’a « pas le souvenir de gens qui se sont fait opérer alors qu’ils étaient recherchés ». « C’est un peu débile et inutile. Cela n’aurait pas changé grand-chose à son destin », sourit ce grand policier, aujourd’hui retraité. « Ce n’est pas au physique qu’on les retrouve, explique-t-il à 20 Minutes. A chaque fois, c’est la même histoire, on les localise grâce à la téléphonie, à leurs contacts, à leurs amis, leurs petites copines… Les premiers mois, ils font vachement gaffe, ils surveillent tout. Et ils se relâchent au bout d’un certain temps. Une fois qu’ils sont arrêtés, l’ADN et les empreintes digitales confirment leur identité. » Par ailleurs, le fugitif avait peu de chance d’être reconnu dans la rue. « Je ne pense pas que les Roumains aient son portrait chez eux ! »

Avant Mohamed Amra, quelques criminels, souvent sud-américains, ont pourtant tenté d’échapper à la police en changeant d’apparence physique. Une manœuvre radicale qui, dans bien des cas, n’a pas empêché ces malfaiteurs de finir en prison… ou six pieds sous terre.

Albert Spaggiari, le cerveau du « casse du siècle »

Le 10 juin 1989, les policiers de l’identité judiciaire débarquent chez Marcelle Clément, à Hyères. La veille, deux hommes cagoulés ont déposé son fils devant son domicile avant de s’enfuir. Marcelle ne l’avait pas revue depuis une douzaine d’années. Il faut dire que cet homme est, à l’époque, le fugitif le plus recherché du pays. Son nom : Albert Spaggiari.

La justice le soupçonne d’être le cerveau du « casse du siècle », perpétré en juillet 1976 à la Société générale de Nice. Le butin, le plus gros jamais emporté par des malfaiteurs, est estimé à environ 26 millions d’euros.

Arrêté à Nice en octobre 1976 alors qu’il se rendait à pied chez son dentiste, Spaggiari s’évade le 10 mars 1977 du bureau du juge d’instruction en sautant par la fenêtre alors qu’un complice l’attend sur une moto. Condamné à perpétuité par contumace en novembre 1979, il n’a jamais été repris et nargue les policiers en accordant, durant sa cavale, des interviews à la presse et en écrivant plusieurs livres. En juin 1989, il décède d’un cancer de la gorge chez sa mère. Les policiers qui découvrent son corps constatent qu’il a subi une opération de chirurgie esthétique.

Spaggiari est passé sous le bistouri d’Ivo Pitanguy, un célèbre chirurgien brésilien qui s’est occupé de nombreuses célébrités. Décédé en 2016, il avait confié sept ans plus tôt avoir opéré le truand français alors qu’il était en cavale en Amérique du Sud. « Dans les années 1980, un Français vient me voir. Il m’explique qu’il n’est pas satisfait de son visage, qu’il le préférerait plus doux, moins anguleux. Je l’opère, il est content des résultats, et disparaît. Des années plus tard, j’ai découvert sa véritable identité. C’était Albert Spaggiari ! », avait-il raconté.

Luiz Carlos da Rocha, le baron aux multiples visages

Il s’agit d’un baron de la cocaïne aux multiples visages qui a été arrêté après trente ans de traque. Surnommé « Cabeça branca » (« Tête blanche », en portugais), cet important trafiquant de cocaïne a été interpellé en juillet 2017 à Sorriso, une ville de l’Etat du Mato Grosso, dans l’ouest du Brésil.

Da Rocha avait changé de nom et se faisait passer pour un grand propriétaire terrien appelé Vitor Luiz de Moraes. L’homme a eu plusieurs fois recours à la chirurgie esthétique pour échapper aux autorités. Un chirurgien lui avait refait complètement le visage. Une mesure drastique qui n’a pourtant pas trompé les policiers l’ayant formellement reconnu sur des photos.

Juan Carlos « Chupeta » Ramirez

Juan Carlos « Chupeta » Ramirez a été l’un des narcotrafiquants colombiens les plus recherchés par la DEA, les services anti-drogue américains. Chef du cartel Valle del Norte, il est soupçonné d’être responsable de centaines d’homicides en Colombie et aux Etats-Unis, de policiers et d’informateurs notamment. Il a été arrêté en août 2007 à Sao Paulo.

« Chupeta » avait subi de nombreuses opérations de chirurgie plastique au visage et aux oreilles pour se rendre méconnaissable. Depuis son interpellation, il collabore avec la justice américaine et a témoigné sur les opérations du Mexicain Joaquín Archivaldo Guzmán Loera, plus connu sous le nom d’El Chapo. Il a affirmé qu’avec l’aide du parrain de Sinaloa, il avait envoyé plus de 400 tonnes de cocaïne aux États-Unis.

David Garza Avila, « Le Diable »

Connu pour son caractère très violent, David Garza Avila était surnommé « Le Diable ». Il aurait ordonné des exécutions dans plusieurs villes de l’Etat de Tamaulipas, au Mexique, déchiré depuis des années par les guerres entre cartels de drogue. Il a été arrêté à l’été 2016 alors qu’il avait rendez-vous avec un chirurgien plastique.

C’est justement ce rendez-vous, prévu à Mexico, qui a permis aux services de renseignement de retrouver sa trace et de l’arrêter près de Naucalpan, dans la banlieue de la capitale, en même temps que trois autres personnes. Chef du cartel du Golfe, il avait parcouru des milliers de kilomètres pour venir se faire opérer du visage.

Amado Carrillo Fuentes, « Le seigneur des cieux »

Amado Carrillo Fuentes était appelé « Le seigneur des cieux ». Un surnom donné en raison de la puissante flotte d’avions, composée en partie de Boeing 727, dont il disposait pour acheminer la drogue. Âgé d’une quarantaine d’années, l’ex-Chef du cartel de Juarez est décédé en juillet 1997 lors d’une opération de chirurgie plastique à Mexico devant lui permettre de changer d’apparence.

Quatre mois plus tard, les autorités mexicaines ont retrouvé le cadavre mutilé du médecin qui a opéré ce baron de la drogue. Son corps a été découvert dans un bidon de ciment abandonné sur la route qui mène de Mexico à Acapulco. Une lourde chaîne était passée autour du cou et des mains de Jaime Godoy Snight, et sa langue et ses yeux avaient été arrachés.

Tatsuya Ichihashi, le tueur aux 1.000 visages

Le meurtre commis par Tatsuya Ichihashi a suscité l’effroi dans l’archipel japonais. Lorsqu’il était étudiant à Tokyo, en mars 2007, ce Japonais a tué Lindsay Ann Hawker, une jeune britannique 22 ans qui lui donnait des cours d’anglais et dont il était complètement obsédé. Après l’avoir attiré chez lui à Ichikawa, il l’a violée, attachée et étranglée. Le corps de la victime avait été découvert pieds et poings liés et couvert d’ecchymoses dans une baignoire remplie de sable, installée sur le balcon de l’appartement d’Ichihashi.

Tatsuya Ichihashi était parvenu à s’enfuir après le meurtre. Des photos de lui sous divers déguisements, y compris avec une perruque de femme, avaient été placardées dans les commissariats et les lieux publics et diffusées par les télévisions, mais il avait réussi à échapper à la police pendant deux ans et demi.

Après son arrestation, en novembre 2009, il a raconté qu’il avait travaillé dans plusieurs régions de l’archipel, utilisant son argent pour payer des opérations de chirurgie esthétique. Ichihashi a été condamné à la prison à perpétuité en juin 2011. Il a écrit un livre intitulé Jusqu’à l’arrestation, racontant sa cavale.