Ariane 6 : Avec son premier vol commercial, la fusée européenne passe en mode « opérationnel »

Ariane 6, chapitre 2. Après son vol inaugural, le 9 juillet dernier, la nouvelle fusée européenne doit décoller ce lundi, à 13h24 (heure locale, 17h24 en France métropolitaine) depuis Kourou, pour sa toute première mission commerciale. Avec ce lancement de son premier passager, CSO-3, un satellite militaire d’observation de la Terre à des fins de défense et de sécurité qui orbitera à 800 kilomètres d’altitude, Ariane 6 « passe à l’opérationnel », d’après les termes d’Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’espace de Toulouse.
Il s’agit d’une étape importante pour l’Agence spatiale européenne (ESA), qui chapeaute le programme Ariane, mais aussi pour ArianeGroup, qui a conçu et construit la fusée, et Arianespace, qui la commercialise. « On a eu le vol inaugural, pendant lequel on vérifie que tout ce qu’on avait prévu sur le papier se déroule comme prévu, appuie le spécialiste du domaine spatial. Là, Ariane 6 va entrer dans sa phase commerciale, on va vendre les lancements », ce pour qui la fusée a été conçue.
« Monter en puissance »
Ce vol doit donc permettre au lanceur d’entrer dans une nouvelle phase : celle de sa montée en cadence, alors que quatre autres tirs sont prévus d’ici à la fin de l’année et que l’ESA en vise, à terme, une dizaine par an. « Arriver à faire plusieurs lancements dans l’année, c’est une sorte d’exploit logistique », pose Olivier Sanguy. Cette première mission commerciale doit ainsi lancer la danse des rotations entre les différents vols et permettre, d’après le spécialiste, de « monter en puissance, pour que les équipes au sol soient prêtes à enchaîner les lancements ».
Un enjeu d’autant plus crucial que la fusée européenne a un carnet de commandes déjà bien rempli : 32 vols sont pour le moment prévus, offrant « des années d’activité au Centre spatial guyanais » de Kourou, s’est réjoui David Cavaillolès, président exécutif d’Arianespace, dans un entretien à l’AFP le 1er février. Ariane 6 mettra notamment en orbite plusieurs charges utiles pour la Commission européenne : le satellite météorologique Metop-SG-A1, passager du deuxième vol commercial, prévu en août, le satellite Sentinel-1D du programme d’observation de la Terre Copernicus, au second semestre 2025, ainsi que deux satellites de la constellation Galileo, le GPS européen, lors de la quatrième mission de la fusée européenne, dont la date n’a pas été annoncée. Le télescope spatial Plato de l’ESA, véritable « chasseur » d’exoplanètes semblables à la Terre, sera également un passager, fin 2026.
Un enjeu de souveraineté
Une entrée en service commerciale du nouveau lanceur qui représente gros pour les Européens, qui retrouvent leur souveraineté en matière de lancements spatiaux. Avec Ariane 6, « l’Europe peut lancer par elle-même ses satellites, sans faire appel aux autres », développe Olivier Sanguy, mettant définitivement fin à une période compliquée qui durait depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, et la fin brutale du partenariat avec le Kremlin, qui assurait certains lancements de l’ESA depuis la Guyane avec sa fusée Soyouz. Avec la fin programmée d’Ariane 5, en juillet 2023, et les retards pris par Ariane 6, qui n’a volé pour la première fois que le 9 juillet 2024, l’Europe s’est retrouvée pendant un an sans moyen de lancer ses satellites de manière autonome.
Notre dossier sur Ariane 6
Une période que le Vieux continent met définitivement derrière lui grâce à l’arrivée d’Ariane 6 sur le marché commercial. Avec Vega-C, le lanceur léger de l’ESA, « l’Europe dispose de deux fusées complémentaires qui assurent à elles seules l’offre européenne des lanceurs » et qui compensent la perte du Soyouz, explique Olivier Sanguy. Cette polyvalence est notamment due au côté modulable d’Ariane 6, disponible en deux versions, l’une avec deux boosters, dite Ariane 62, l’autre, beaucoup plus puissante, avec quatre boosters, appelée Ariane 64. « C’est comme si on avait trois fusées, qui vont du lancement léger au lancement lourd », résume notre spécialiste du domaine spatial. L’Europe spatiale retombe sur ses pieds, merci Ariane 6.