France

Antisémitisme : « Bipolaire », l’homme qui portait un maillot « anti juif » dément tout « message politique »

Au tribunal correctionnel de Paris,

De plates excuses mais des réponses qui tombent à côté. La défense de Mehmet D. est faiblarde. Le jeune homme de 28 ans, sans antécédent judiciaire, était jugé ce jeudi par le tribunal correctionnel de Paris pour « provocation publique à la haine ». Il a été reconnu coupable et condamné à six mois de prison avec un sursis probatoire de deux ans, une obligation de soins, d’indemniser les parties civiles et d’effectuer un stage de citoyenneté.

Le 21 octobre dernier, Mehmet D. a arboré un maillot de Manchester City floqué avec les termes « anti juif » sur le dos, dans le métro parisien. Des images ont été partagées sur les réseaux sociaux, et ce Français d’origine turque a rapidement été identifié et s’est rendu au commissariat avant d’être placé en garde à vue. Un mois et demi plus tard, il s’explique donc à la barre ce jeudi. L’homme a troqué son vêtement antisémite pour une chemise blanche, un pantalon gris sur des baskets noires. Cheveux rasés, il laisse apparaître un tatouage qui court derrière son oreille et qui signifie « famille », comme il l’affirme à l’un des avocats des nombreuses associations portées parties civiles.

« Je regrette mon geste, je ne ferai plus ce genre de choses. Je présente toutes mes excuses envers la communauté juive, il n’y a aucune incitation à la violence, c’était dû à une période de dépression », commence le prévenu d’une voix timide, s’adressant avec précaution. Il assure qu’il ne s’est pas rendu compte de son geste, de l’ampleur des réactions qu’il allait susciter.

Des amalgames qui font mauvais genre

Aux questions de la présidente, il tombe souvent à côté. Quand elle lui demande s’il comprend pourquoi ces mots ont pu choquer, il rétorque que « c’est grave parce que ça peut offenser des gens, ça peut choquer des personnes d’une communauté et d’autres gens, mais moins. Si j’avais marqué anti chrétiens, ça aurait choqué les Français. Si je mets anti musulmans, ça va choquer les Arabes ». Un amalgame qui « interpelle » le procureur dans son réquisitoire.

Ce n’est pas la seule fois que sa défense interroge. Notamment quand Mehmet D. rappelle qu’il a travaillé pendant des années pour un magasin. « Chez des juifs », précise-t-il, qui « étaient très gentils. Ils m’aimaient bien aussi mais je n’étais pas payé à ma juste valeur ». « Mais j’en veux à personne, c’est des gens qui sont gentils, qui respectent vos convictions religieuses, vos façons de penser », prend-il soin d’ajouter. « Que ce soit anti juif, anti chrétien, anti musulman, je ne le ferai plus », promet-il encore.

« Bipolaire » mais « pas irresponsable »

Mehmet D. ne répond jamais vraiment à la question du pourquoi. Pourquoi avoir fait la commande de ce flocage ? Il avait pourtant apporté des explications lors de sa garde à vue : dans le contexte du conflit israélo-palestinien, il avait d’abord voulu faire floquer anti-Tsahal, mais l’expression étant trop longue, donc il a fait inscrire « anti juif ». Ce jeudi, il ne l’explique plus par la guerre au Proche-Orient mais par un trouble bipolaire. Ce n’est « pas un message politique » mais un « excès de colère », assure-t-il. « Des fois j’ai des humeurs », insiste-t-il. Il assure être sous traitement depuis trois semaines. L’expertise psychiatrique ne l’a pas jugé irresponsable de ses actes.

« Il n’est pas sorti un beau jour sans savoir ce qu’il faisait. Il est allé sur Internet, et quand il a commandé ce maillot, il avait une idée bien précise de ce qu’il voulait faire », argumente le procureur, qui a requis « neuf mois d’emprisonnement avec un sursis probatoire », « une obligation de soin de deux ans » et « surtout un stage de citoyenneté mémorial de la Shoah ».

Dans le contexte ambiant, et alors qu’au premier trimestre 2024, les actes antisémites ont augmenté de 300 % par rapport à la même période l’an dernier, la carte de l’inconscience passe difficilement. Son avocat plaide des « propos insensés, un acte insensé » et assure que son client n’est pas antisémite « et ne l’a jamais été ». A la fin de l’audience, une question reste en suspens : comment la marque, Puma, a-t-elle pu accepter de faire floquer « anti juif » ?