France

Anne Hidalgo à la mairie de Paris : Voici un bilan (presque) objectif pour ses 10 ans

EDIT du 27 novembre 2024 : A moins d’un an et demi des municipales, la maire socialiste Anne Hidalgo a décidé de ne pas briguer un troisième mandat et déjà confié la relève au sénateur PS Rémi Féraud, déclenchant une guerre de succession au sein de la gauche parisienne. Alors que la course à l’Hôtel de ville de Paris s’accélère, 20 Minutes de vous replonger dans les dix années de mandat d’Anne Hidalgo.

Ce samedi 30 mars, Anne Hidalgo et ses équipes fêtent 10 années de pilotage de la capitale. Succédant à Bertrand Delanoë, dont elle était la première adjointe, la maire de Paris était élue en 2014 avec plus de 53 % des voix. Réélue en 2020, elle a eu les coudées franches pendant une décennie pour transformer la ville.

Quel bilan tirer de ces années ? Pour le savoir, nous avons demandé à dix élus et élues – cinq de l’opposition et cinq de la majorité – de nous donner deux ou trois points positifs et négatifs, avec l’obligation d’en donner autant en « bien » qu’en « mal ». Et vous le verrez, les positions se rejoignent plutôt largement, tant à gauche qu’à droite, sur ce qui a fonctionné et ce qu’il faudrait compléter.

Davantage de place pour les piétons, moins de voitures

Elles font l’u-na-ni-mité : les rues aux écoles, ces espaces aux abords des établissements parisiens fermés à la circulation et végétalisés, sont de loin les plus citées lorsqu’il s’agit d’analyser ce qui ressort de positif de ces dix dernières années. La porte-parole de la maire, Lamia El Aaraje, cite parmi les 150 déjà réalisées la rue Henri Dubouillon (20e) ou encore la rue Henri Poincaré (20e). Dans l’opposition, on n’a pas de mal non plus à tirer son chapeau. « Cela participe à l’apaisement de l’espace public. Les écoles sont des lieux à protéger, c’est quand même plus agréable d’arriver sur un espace public protégé », argumente Pierre-Yves Bournazel, coprésident du groupe Indépendants et Progressistes. « C’est top ! », affirme sans ambages Hélène Jacquemont, conseillère LR du Groupe Changer Paris. « Je pense que cela laissera une empreinte à la capitale », reconnaît même le porte-parole de son groupe, Aurélien Véron.

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De ce point de vue, le visage de Paris a bien changé. Depuis 2011, le trafic automobile et la pollution ont diminué de plus de 40 %. « Cela change tout ! », se félicite Emile Meunier, conseiller municipal EELV, qui met cela au crédit de la maire : « Cela a commencé en 2001 avec les couloirs de bus, mais il y a eu une accélération avec Hidalgo ; elle a passé la seconde et a tenu face à l’Etat. »

Le vélo s’empare du territoire

Corollaire de la réduction de la voiture, le vélo a pris ses aises dans la capitale. Son utilisation a bondi de 70 % depuis 2019, selon la mairie. De quoi satisfaire à gauche comme à droite. « Elle a bien compris qu’il fallait laisser une place importante au vélo », reconnaît Aurélien Véron. Même si, selon lui, les « places ne sont pas bien aménagées » et il faudrait repenser « l’intermodalité ». « On a créé plus de 500 km de pistes en dix ans et c’est grâce au volontarisme politique de la mairie », se félicite le sénateur communiste Ian Brossat, ex-adjoint au Logement. « Cela a un impact sur l’air », se félicite Fatoumata Koné, cheffe de file du groupe Les Ecologistes.

Dans le même camp que la maire socialiste de Paris, François Dagnaud place l’idée d’un « nouveau partage de l’espace public » au rang des deux plus belles réussites de sa patronne. Pour une question de justice sociale : alors que la voiture représente seulement 10 % des déplacements, le maire du 19e trouve qu’il « n’y a aucune raison qu’un mode de déplacement ultra-minoritaire occupe tout l’espace public ».

Du logement social en masse

Les chiffres sont là : sur le logement social, la Mairie de Paris a sorti son porte-monnaie. Alors que le nombre de logements sociaux était de 13 % en 2001, il atteint désormais 25 %, respectant donc la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), qui impose un nombre minimum de logements sociaux. Et dans une ville comme Paris, où le foncier est cher, ça n’est pas forcément une mince affaire. « Ce n’est pas rien, elle a tenu bon. Cela a coûté un certain prix et on peut en être fier », commente Emile Meunier.

Face à l’exode de Parisiens et Parisiennes pour qui le logement est devenu trop cher, faire du logement social en masse a indubitablement maintenu un certain nombre de gens intra-muros. Un résultat dont se félicite Ian Brossat, en charge du Logement pendant presque dix ans, et qui fait l’unanimité dans la majorité. A droite, en revanche, ce point n’est pas cité. Aurélien Véron déplore au contraire la « préemption des logements privés pour en faire des logements sociaux ». Cela a selon lui contribué « à chasser les classes moyennes, le tout pour une dette colossale », et fait que « Paris devient une ville polarisée entre très pauvres et très riches. »

Une ville accueillante pour les enfants

Si Paris n’est pas toujours la plus adaptée pour les seniors (voir plus bas), elle ouvre ses bras aux enfants, notamment à travers sa politique en direction des crèches et des écoles. Pierre-Yves Bournazel se réjouit notamment d’y voir de l’éveil musical, rendu possible grâce aux 70 professeurs et professeuses employées par la Ville de Paris. Elles y enseignent la musique, mais aussi les arts plastiques ou encore le sport, en maternelle et élémentaire. Et c’est la seule collectivité en France à le faire !

Un bon point dans ce bilan, partagé par la porte-parole de la maire : « Nous avons des professionnelles de grande qualité et une politique très ambitieuse, notamment pour les bébés en situation de handicap. Nous formons nos agents, ce n’est pas aux enfants handicapés de se déplacer dans un établissement spécialisé ».

Une voirie jugée dangereuse, inesthétique et sale

C’est une antienne à droite, mais peut-être pas sans raison. L’espace public parisien est régulièrement la cible de critiques, au travers du mouvement #SaccageParis. Pour le maire du 6e arrondissement Jean-Pierre Lecoq, la voirie est « abandonnée » et le budget qui lui est dédié « insuffisant ». L’édile regrette notamment l’absence d’inspecteurs de voirie : « Les brigades sont dépeuplées, vous mettez un mois à rectifier la situation. C’est un désastre permanent ». Hélène Jacquemont pointe une voirie « hyper dangereuse » avec des « trous dans la chaussée », et Aurélien Véron regrette le manque de « continuité esthétique » et des espaces verts pas assez entretenus : « Les squares sont endommagés, sur le Champ-de-Mars on a des pelouses pelées, des taillis rachitiques, des arbres pas remplacés… »

A gauche, certains reconnaissent du bout des lèvres qu’il y a peut-être matière à s’améliorer. Si le maire du 19e, François Dagnaud, se félicite de la végétalisation de la ville, il reconnaît qu’elle exige « des moyens renforcés en terme d’entretien ». « Les lieux peuvent être souillés, car le végétal est une matière plus sensible. Ce n’est pas aussi facile que de passer un coup de balai. Il y a des marges de progression. S’il y a moins d’espace minéral dans la ville, il faut rebasculer les moyens sur les espaces végétalisés. »

A rebours des engagements écolo, le béton a progressé

Si ces dernières années, l’exécutif a mis en avant sa politique en matière de plantation d’arbres et organise régulièrement de grandes opérations de communication sur ces espaces repris au béton, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre 2006 et 2020, près de 3 millions de m2 supplémentaires de logements et bureaux ont été construits. Quasiment sur la même période, entre 2006 et 2021, seulement 77,7 hectares d’espaces verts ont été créés. Sans les bois, les Parisiens ont en moyenne moins de 3 m2 d’espaces verts par habitant, soit bien moins que le ratio de 10 m2 qu’elle vise.

Sur ce point, les alliés écologistes d’Anne Hidalgo et ses opposants tombent d’accord. « Derrière le discours écolo, c’est une politique qui ne l’est pas. Cela a été une logique de toujours plus de construction », affirme Pierre-Yves Bournazel. Et de citer le stade Ménilmontant, le terrain d’EPS de Championnet, ou encore la tour Triangle, des projets avec beaucoup de béton au programme auxquels il s’est opposé.

Une ville déconnectée de sa métropole

C’est un point négatif mis en avant spontanément par beaucoup de nos interlocuteurs et interlocutrices : pendant ces dix ans, Paris s’est trop pensée en solo, sans tenir compte des villes et collectivités voisines. « L’aménagement aurait dû être pensé à l’échelle du Grand Paris », estime Pierre-Yves Bournazel, d’accord avec ses collègues écologistes. « Anne Hidalgo est totalement passée à côté de la métropole, alors que la plupart des questions qui touchent les Parisiens se règlent à ce niveau. En voulant financer le logement social par la construction de bureaux [à travers la taxe sur les bureaux] plutôt que par l’impôt, elle a pratiqué une politique de captation des richesses de la métropole, c’est un véritable « égoïsme municipal » », critique vertement Emile Meunier.

Chez les socialistes, certains reconnaissent volontiers qu’il faudrait « s’inscrire dans une vision métropolitaine » : « Paris, c’est une ville à habiter. Mais objectivement, c’est aussi le cœur d’une métropole de 12 millions d’habitants. Et ses usagers ne sont pas que ses habitants », juge François Dagnaud.

Il reste du boulot sur le logement…

Si Paris peut se vanter, on l’a dit, d’avoir respecté la loi de Solidarité et de renouvellement urbain (SRU), la situation du logement reste très tendue dans la capitale. La faute, notamment, au développement des meublés touristiques, un point que la porte-parole de la maire finit par reconnaître. « Il aurait fallu qu’on réussisse à faire mieux. En dépit de tous les logements sociaux mis en œuvre, on a des promoteurs qui achètent des immeubles entiers. Aujourd’hui, il n’y a que 12 personnes qui contrôlent les meublés touristiques. Il faudrait qu’on fasse plus de contrôles et qu’on mette plus de sanctions », explique Lamia El Aaraje.

A droite, Hélène Jacquemont ne comprend pas pourquoi la ville n’a pas réussi à augmenter le nombre de logements adaptés pour les personnes âgées, dites « résidences autonomie », qui sont pourtant du logement social. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), au rythme actuel, il manquera 100.000 places en Ehpad en France en 2030, et près de 10.000 à Paris, selon l’élue du 17e en charge des Affaires sociales. Or « pas une place n’a été créée depuis le début de la mandature », reproche Hélène Jacquemont.

Un point que concède Ian Brossat : « Il nous a manqué une offre spécifique pour les anciens, afin de libérer les grands logements sociaux qu’ils occupent et qui ne sont plus toujours adaptés à leurs besoins. » De quoi donner du pain sur la planche à la prochaine mandature.