Anne arnaquée par un faux Brad Pitt : Peut-on tous tomber dans le piège d’un manipulateur ?
Du simple internaute au Toulouse Football Club en passant par la gendarmerie de Charente-Maritime, les moqueries fusent sur les réseaux sociaux depuis que l’histoire d’Anne a été rendue publique. Cette femme de 53 ans a raconté dans l’émission « Sept à Huit », sur TF1, avoir été victime d’un faux Brad Pitt qui lui a soutiré plus de 800.000 euros.
La vague de cyberharcèlement dont elle est victime l’a poussée à répondre dans une vidéo mise en ligne mardi soir. « Je suis une femme sensée, si vous aviez été à ma place, vous seriez tombé dans le piège », affirme-t-elle. Alors peut-on vraiment tous être victime d’une telle arnaque ?
Des moments de vulnérabilité
Oui et non. Il s’agit d’une question de personnalité « plus ou moins malléable » et sujette à une situation d’emprise, explique le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez. « La personnalité n’est pas quelque chose de fixe, nuance-t-il. Elle évolue au fil du temps et des circonstances, notamment quand on traverse des périodes de dépression, des ruptures, donc des situations de vulnérabilité. »
Alors si certaines personnes vont être plus aptes à détecter les signes d’une potentielle arnaque, plus prudentes, « en fonction de nos blessures émotionnelles, on a tous plus ou moins la capacité d’être manipulés car on a tous des points de faiblesse », ajoute Robert Zuili, psychologue spécialiste des émotions et auteur du Pouvoir des liens (Mango éditions). Il y a également la question de l’estime de soi qui entre en jeu. « Plus elle est faible, plus la personne va être malléable », souligne encore Robert Zuili. Cette donnée peut également varier en fonction des événements que l’on traverse.
C’est ce qu’il s’est passé avec Anne. L’escroc qui a opéré sur Internet, aussi appelé brouteur, a su profiter d’un moment particulièrement sensible dans la vie de la quinquagénaire : un divorce.
Une personnalité plus malléable
Les ficelles sont grosses, mais les manipulateurs savent repérer leur proie, « ils ont une compréhension psychique aiguë de l’autre et ses faiblesses, ils perçoivent le besoin de croire, de croire à un conte de fées, et le besoin de croire est universel », explique le psychiatre et psychanalyste. C’est ce que raconte encore Anne quand elle affirme que « si quelqu’un vous parle gentiment, vous dit des mots que vous n’aviez jamais entendus de votre propre mari, oui on tombe dedans. C’est comme ça que c’est arrivé ».
Les réseaux sociaux permettent aux brouteurs de ratisser large mais aussi de mieux cibler leur victime. Ainsi, une personne qui affiche sa prédisposition à aider son prochain va devenir une cible évidente. « Je suis une femme bienveillante, je ne suis pas folle, ni niaise », assure ainsi Anne dans sa vidéo. « J’ai juste voulu aider une personne. […] J’ai été arnaquée », ajoute-t-elle. D’autant que l’arnaque ne se monte pas en un seul coup. Les manipulateurs fonctionnent par pallier, « petit à petit, ils voient jusqu’où l’autre peut aller, ils enrichissent le conte de fées », argumente Serge Hefez.
Quand des images générées par l’intelligence artificielle s’ajoutent à toute la mécanique de manipulation, c’est la cerise sur le gâteau. « Ça peut finir de vous convaincre, ce sont des éléments qui vont faire sauter les derniers verrous de la prudence », abonde le psychologue. Quand on est mal informé sur ces nouvelles technologies, c’est d’autant plus facile de tomber dans le panneau. Anne s’est aussi fait avoir par des images générées par l’IA. Après avoir vérifié si les photos existaient déjà sur Internet, elle est venue à la conclusion que les photos avaient été faites par Brad Pitt « pour [elle] ».
Victime de sa propre crédulité
Anne parle de « moments » où elle « n’y [croyait] pas », peut-être « quarante fois ». « On se dit, « ce n’est pas possible que ce ne soit pas vrai », j’ai douté tellement de fois ». Au final, « on est soi-même victime de sa propre crédulité et c’est très difficile de retrouver une estime de soi après », prévient Serge Hefez. La blessure causée par l’abus de confiance peut être si grave qu’elle peut pousser à l’extrême.
Après trois tentatives de suicide, Anne a ainsi été hospitalisée à sa demande dans un établissement spécialisé pour les dépressions graves. D’autant que le cyberharcèlement qu’elle subit sur les réseaux sociaux depuis la diffusion de l’émission dimanche, qui a poussé TF1 a retiré son reportage de sa plateforme, peut aggraver sa santé mentale.
Ces moqueries dont elle est la cible émanent pourtant chez les personnes qui en sont à l’origine d’un mécanisme de défense. « Quand on se sent soi-même menacé, on s’attaque à celui qui nous confronte à cette menace », analyse Robert Zuili. A travers cette histoire, « chacun perçoit sa propre part de fragilité, de crédulité », confirme Serge Hefez.