Angleterre-France : « On pensait que c’était mort de chez mort »… L’heure de la revanche du « Jalibert FC » a sonné
Un peu à la manière d’un Didier Deschamps – un zéro en moins sur le chèque de fin de mois mais les lunettes de compète et la moustache à la Chuck Norris en plus – Fabien Galthié n’est pas du genre butté. Preuve en est avec le retour de Matthieu Jalibert au poste de demi d’ouverture pour le Crunch de samedi, à Twickenham, pour pallier l’absence de Romain Ntamack, aussitôt reparti au garage après son rouge face aux Gallois en ouverture du tournoi des VI Nations.
Ce n’était pourtant pas gagné d’avance pour l’enfant terrible du rugby français, que son fan-club pensait mort et enterré aux yeux du sélectionneur après une tournée d’automne qui fleurait bon la marche funèbre et les chrysanthèmes, avec une relégation loin, loin, loin dans la hiérarchie des numéros 10. Remplaçant face au Japon, non retenu dans les 23 face aux All-Black, Jalibert avait finalement préféré rentrer au bercail, à Bordeaux, pour soigner un vague à l’âme qui touchait alors tous l’ensemble de ses supporters.
Jalibert, loin, loin derrière
Si les deux hommes n’ont jamais été jusqu’au clash, laissant clairement entendre que cet épisode ne serait pas de nature à remettre en cause la place de Jalibert dans le groupe France, de notre côté, on avait déjà établi la liste des joueurs, des gens et des choses qui passaient désormais devant le maître à jouer de l’UBB en cas d’absence de Ntamack. La voici, pour vous, en exclusivité mondiale.
- Papa Émile Ntamack
- Maman Ntamack
- Frédéric Michalak
- Jérémy Michalak
- Karim Benzema
- Titou Lamaison
- Les monte-escaliers Stannah
- Moi
- Toi
- Eux
- Nous
« Après la tournée de novembre, on a compris que Jalib était passé 37e ouvreur dans la hiérarchie. Pour ne rien vous cacher, j’ai même reçu un coup de fil de Galthié pour savoir si une place en 10 m’intéresserait mais j’ai poliment décliné. Il aura fallu un concours de circonstances assez surréaliste et un vrai coup de pouce du destin pour qu’il soit titulaire samedi : la blessure de Buros, de Barré, la mienne et la suspension de RNT », explique le dénommé « Grec Akhi », créateur, président et trésorier du Jalib FC sur Twitter, pourtant supporter du Stade Toulousain dans le civil.
Un avis partagé par un autre admirateur du talent de Jalibert, Yann, 33 ans, et fan quant à lui de l’Union Bordeaux Bègles : « Pour moi, c’était mort de chez mort, il était juste là pour faire le partenaire d’entraînement. » Ce retour en grâce n’a donc pas manqué de leur redonner goût à la vie et de les regonfler à bloc, au point de les entendre parler d’une revanche sur le destin.
« Depuis la tournée de novembre, le FC Jalib a moins de subventions, moins de soutien et oui, on a failli plusieurs fois baisser les bras donc au nom du club, je pense qu’on peut parler de « revanche » quand on voit que sur plus de 7.000 votants (sondage Ifop-Grec Ahki du 2 février), 79 % ont souhaité voir Jalib en 10. Elle est là, la réelle fierté du Jalib FC : avoir réussi à mettre l’idée dans la tête de 8 Français sur 10, que Matthieu Jalibert en 10 est la meilleure option en l’absence de Romain. »
Une juste récompense pour le roi de Chaban-Delmas
Il faut dire aussi que le garçon, titulaire au poste lors du dernier Mondial à la maison, n’a pas ménagé ses efforts pour gagner le droit de remettre ses funérailles internationales à plus tard. Auteur d’une première partie de saison remarquable du côté de Bordeaux, Matthieu Jalibert prouve chaque week-end qu’il est un demi d’ouverture d’exception qui pourrait être titulaire tous les jours dans un bon paquet de sélections. « Si on juge uniquement le niveau de jeu, il n’y a pas photo, c’est clairement le 10 en forme, le meilleur 10 Français cette saison », assure Yann, n’hésitant pas à voir dans son déclassement de novembre une « profonde injustice », et ce même si Thomas Ramos a « assuré grave » à l’ouverture à ce moment-là.
Un constat partagé par le supporter toulousain, non sans apporter une petite nuance : « Penser que Jalib n’aurait pas eu le même rendement que Ramos me semble être soit de la mauvaise foi, soit une méconnaissance du joueur qu’il est devenu depuis la Coupe du monde 2023. Ne pas le nommer de nouveau avec l’absence de Buros et Barré, ça aurait été assimilé à une volonté de nuire passible de quelques années de prison. »
Mais ce retour sur le devant de la scène pour un match aussi mythique qu’un Angleterre-France comporte aussi des risques. En premier lieu, celui de se faire à nouveau allumer par la meute des pros-Ntamack qui, s’ils ne sont pas tous à mettre dans le même sac, restent quand même nombreux à rêver secrètement d’un gros gadin du Bordelais, à qui le public du rugby ne passe pas grand-chose.
![Matthieu Jalibert en action lors du quart de finale du Mondial 2023 perdu d'un point face à l'Afrique du Sud, le 15 octobre 2023.](https://1001infos.net/wp-content/uploads/2025/02/angleterre-france-on-pensait-que-cetait-mort-de-chez-mort-lheure-de-la-revanche-du-jalibert-fc-a-sonne.jpg)
« Il subit un vrai délit de sale gueule, regrette Yann en préambule. Il sera regardé à la loupe et, si on perd, on va analyser ses moindres faits et gestes. Donc on peut dire qu’il joue gros, oui, en cas de bon match il peut remonter dans la hiérarchie, même si ça ne la bouleversait pas. Il pourrait traverser trois fois le terrain et marquer quatre essais samedi que Ntamack serait quand même titulaire contre l’Italie ou l’Irlande. »
Une perspective qui donne des papillons dans le ventre de M. Jalib FC. « Honnêtement, quoi de mieux pour éteindre les derniers réfractaires que de poser un classique face à l’ennemi historique aux goûts culinaires douteux ? Oui, il sera toujours la cible de certains parce qu’il est authentique, différent des standards du rugbyman classique, mais Jalib a le talent pour rouvrir le débat du remplacement de Ntamack et l’occasion de prouver qu’il mérite d’avoir du temps de jeu. »
Les pros Ntamack prêts à surgir du bois
Qu’il pose un perfect à Twickenham ou se foire dans les grandes largeurs samedi, cela ne changera rien en revanche à la guerre ouverte que se livrent les pros-Ntamack et les pros-Jalib sur Twitter et qui ferait passer les combattants du duel « Messi-Ronaldo » pour des petits chanteurs à la croix de bois. « C’est l’enfer, ce débat, peste le supporter bordelais. Les gens se sentent obligés de chier sur l’un pour valoriser l’autre. Moi, j’essaie de ne pas rentrer dans ce truc mais je pense qu’il y a une réelle scission entre ces deux groupes, et ça me semble compliqué de les réconcilier un jour. »
« Je ne comprends pas comment des fans de rugby peuvent détester Jalib ou Ntamack, embraye « Grec Ahki ». Ce sont deux métronomes, deux all-stars, deux joueurs qui feront date dans l’histoire du rugby français et surtout, deux mecs qui te donnent envie d’allumer la télé. Ils sont français, ils sont une vitrine exceptionnelle pour notre sport, ils jouent dans les deux meilleurs clubs français du moment alors profitons de leurs talents le plus longtemps possible. » Voilà enfin un peu de sagesse dans ce monde de brutes.