France

Amende forfaitaire délictuelle : trois questions pour les consommateurs de drogue

L’amende forfaitaire délictuelle pour usage de drogues va passer à 500 euros, alors qu’elle est actuellement fixée à 200 euros. Entre 2019 et 2024, 1,6 million d’amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées en France, dont 635.200 pour usage illicite de stupéfiants.


L’amende pour usage de drogues va plus que doubler. Lors d’une visite à Marseille mardi, Emmanuel Macron a annoncé que l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour cette infraction « va passer à 500 euros ». Actuellement, elle est fixée à 200 euros, réduite à 150 euros si elle est acquittée dans les quinze jours, mais portée à 450 euros si elle n’est pas réglée dans les 45 jours.

Introduites en 2016, les AFD s’appliquent à l’usage de stupéfiants (cannabis, cocaïne, ecstasy/MDMA) depuis 2020. Elles représentent une sanction pénale prononcée sans procès. Un consommateur contrôlé en train de consommer ou en possession d’une petite quantité de drogue doit payer l’amende. En contrepartie, les poursuites pénales cessent, même si l’infraction reste inscrite au casier judiciaire.

Selon les statistiques du service ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) publiées en juillet dernier, 1,6 million d’amendes forfaitaires délictuelles ont été émises en France entre 2019 et 2024. Parmi celles-ci, 635.200, soit 40 %, concernent l’usage illicite de stupéfiants. Pour l’année 2024, 196.400 amendes, sur 499.900 au total, soit 39 %, ont été dressées pour ce motif.

Ces chiffres aident à cerner le profil des consommateurs. En 2024, 64 % des verbalisés avaient entre 18 et 29 ans. Dans plusieurs départements, notamment les Bouches-du-Rhône, la Guyane, l’Hérault et le Rhône, la proportion d’AFD pour usage de stupéfiants dépasse 81 % des délits enregistrés, atteignant même 91 % dans les Bouches-du-Rhône.

Cependant, la question du paiement de ces amendes se pose. « Le ministère communique souvent sur le nombre d’amendes délivrées, mais le taux de recouvrement est à peine de 35 %, » explique Yann Bisiou, maître de conférences à l’université de Montpellier Paul-Valéry. « Dans deux cas sur trois, l’amende n’est pas payée. »

Un chiffre qu’Emmanuel Macron avait lui-même évoqué en 2023, précédant sa visite à Marseille. Il avait alors souligné que le paiement immédiat par carte bancaire ou en liquide pourrait améliorer la situation. « Ce que nous avons constaté, c’est que comme le règlement se fait par télépaiement entre 45 jours et 60 jours, nous avons un taux de recouvrement de 35 %. Et c’est en dessous de cette moyenne à Marseille. C’est inacceptable, » avait-il déclaré à La Provence.

« Ce n’est pas parce que la procédure n’est pas efficace, mais parce que les gens ciblés n’ont pas les moyens de la payer, » rappelle l’universitaire, soulignant des cas de « surendettement » chez certains consommateurs.

En ce qui concerne l’efficacité de cette mesure, les statistiques montrent une augmentation de l’usage de stupéfiants. Entre 2019 et 2024, la part des amendes pour usage illicite de stupéfiants est passée de 26 % à 76 %, selon le ministère de l’Intérieur.

Pourtant, l’efficacité de cet outil face à la consommation de drogue et au trafic reste questionnée. « Les prix des stupéfiants n’ont jamais été aussi bas, la qualité des produits n’a jamais été aussi bonne, le nombre de consommateurs de cocaïne a doublé, les trafics sont florissants : l’échec est patent, » affirme Yann Bisiou.

En outre, ces amendes ciblent principalement les consommateurs de cannabis, alors que la hausse des consommateurs de cocaïne, qui se consomment dans des lieux privés où la police n’intervient pas, n’est pas adressée par cette mesure. Selon les données du SSMSI, parmi les AFD de 2024 pour usage de stupéfiants, 95 % concernent le cannabis, dont un quart concerne des joints. « Seulement 4 % des AFD concernent l’usage de cocaïne, et 1 % l’usage d’ecstasy ou MDMA, » précise le document.

« On nous a présenté l’AFD comme un moyen de réaffirmer la force de l’interdit, mais force est de constater que cela n’a pas fonctionné, » conclut Yann Bisiou. « On est sur une politique de surenchère permanente vers l’échec. »