Alzheimer, rupture d’anévrisme… Les conséquences des maladies gingivales ne sont pas à prendre à la légère

Vous vous dites peut-être que ce n’est rien. Juste une petite tache de sang en crachant sa mousse de dentifrice après s’être brossé les dents. Certains y voient même le signe d’un brossage énergique qui aura bien débarrassé les dents de la plaque qui les recouvre. Pourtant, saigner des gencives n’est pas anodin. Les maladies gingivales doivent être prises en charge le plus précocement possible pour éviter des effets délétères bien plus larges sur la santé.
A l’occasion ce jeudi de la Journée mondiale de la santé bucco-dentaire, 20 Minutes se penche sur les conséquences des maladies gingivales sur la santé de la bouche, mais aussi sur la santé globale.
Des effets délétères sur la bouche
Ce qui ne commence que par un banal saignement occasionnel des gencives pendant le brossage peut rapidement évoluer vers une maladie gingivale plus profonde, voire irréversible. Mais qu’est-ce qu’une maladie gingivale ? C’est une « La maladie gingivale est une inflammation des tissus de soutien des dents, causée par la plaque dentaire, un film fin et collant de bactéries qui se forme sur les dents, décrit l’Union Française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD). Lorsque la plaque n’est pas enlevée, elle peut durcir et devenir du tartre. Et lorsque le tartre se forme au-dessus et en dessous de la gencive ». Se brosser correctement les dents est alors plus difficile. « La première étape de la maladie est la gingivite, la seule étape qui est réversible », poursuit l’UFSBD.
Mais « si elle n’est pas traitée, la gingivite peut conduire à une forme plus grave, appelée parodontite ». Parmi les symptômes de cette pathologie : la rétraction des gencives, qui fait apparaître les dents plus longues. Et dans les cas les plus sévères, « une maladie dentaire ou gingivale non traitée peut conduire à des problèmes de santé graves comme la perte des dents, des infections, des dommages osseux ou autres », souligne l’UFSBD.
Surrisque de maladies cardiovasculaires et d’Alzheimer
Mais une maladie gingivale non soignée peut avoir de plus graves conséquences sur la santé globale avec, à terme, un surrisque de développer des maladies cardiovasculaires. L’USFBD rappelle ainsi que « le risque d’AVC est accentué par une mauvaise hygiène bucco-dentaire. La bactérie responsable est de type streptococcus mutant contenu dans la salive. Ces molécules inflammatoires passent dans le sang et influence l’aggravation de certaines maladies. Cette bactérie peut donc se fixer aux vaisseaux et favoriser les risques de rupture d’anévrisme ». Et « les infections dentaires qui ne sont pas traitées peuvent se propager à d’autres parties du corps et, dans de rares cas, être mortelles », insiste l’UFSBD.
Une mauvaise santé gingivale pourrait aussi déclencher le développement d’une maladie dégénérative. La fondation Alzheimer prévient ainsi qu’il existe « un lien établi entre infection des gencives et maladie d’Alzheimer ». C’est ce qui a été démontré pour la première fois en 2018 par des chercheurs de l’Université de Chicago. Dans le cadre d’une étude publiée dans la revue Plos One, les auteurs, le Dr Keiko Watanabe et le Dr Vladimir Ilievski, ont découvert que « des souris exposées par voie orale aux bactéries responsables des maladies parodontales développaient une neuroinflammation, une neurodégénérescence et une formation de plaque sénile similaires à celles de la maladie d’Alzheimer chez l’homme ».
Les résultats de leurs travaux « suggèrent que les maladies parodontales pourraient être l’un des déclencheurs de la maladie d’Alzheimer », rapporte l’Université de Chicago. Une avancée majeure dans la compréhension de la maladie puisque les études précédentes n’avaient jusqu’alors associé la parodontite qu’à des troubles cognitifs. De quoi surprendre l’autrice principale de l’étude : « Nous ne nous attendions pas à ce que le pathogène parodontal ait une telle influence sur le cerveau, ni à ce que ses effets ressemblent autant à ceux de la maladie d’Alzheimer », s’était étonnée le Dr Watanabe, qui a également découvert que « la parodontite peut même affecter le métabolisme cérébral, ainsi que le foie et le cœur. Nous avons réalisé une analyse métabolomique, c’est-à-dire l’évolution du métabolisme, et observé une diminution de la disponibilité du glucose, dont le cerveau a besoin pour produire de l’énergie ».
Veiller à son hygiène bucco-dentaire
Pourtant, ces conséquences en cascade pourraient être évitées à condition de veiller à son hygiène bucco-dentaire. Or, aujourd’hui, « seule une personne sur deux consulte un chirurgien-dentiste chaque année », déplore l’UFSBD, qui veut pousser le grand public à « adopter une véritable démarche de prévention » et lance cette année sa nouvelle campagne de prévention : « On a tous une bonne raison de l’ouvrir ! » Une initiative pour inviter chacun à une visite annuelle chez le chirurgien-dentiste. De quoi permettre « non seulement de réduire le besoin en soins lourds, mais également d’éviter un impact sur la santé générale ».
Et au quotidien, quelques gestes de prévention préservent la santé de sa bouche. On commence ainsi par un « brossage des dents et des gencives matin et soir pour désorganiser la plaque dentaire et ainsi empêcher son développement », préconise l’UFSBD. Elle recommande aussi « l’utilisation quotidienne du fil dentaire pour retirer les restes alimentaires et bactéries dans les espaces qui existent entre les dents ». Mais ce geste n’est un réflexe que pour à peine 10 % des Françaises et des Français. Parce que « ce n’est pas vraiment enseigné aux gens, donc ce n’est pas dans leurs habitudes, selon le Dr Christophe Lequart, chirurgien-dentiste et porte-parole national de l’UFSBD. Or, avec votre brosse à dents, vous ne brossez que trois des cinq faces des dents : côté joue, côté langue et le dessus, soit seulement 60 % de vos dents ». Ce qui favorise le développement de la plaque dentaire, du tartre, puis des maladies gingivales. Donc on pense, au moment du brossage de dents le soir, à dégainer son fil dentaire pour une bouche propre et saine. Enfin, il est recommandé d’aller faire régulièrement des détartrages et polissages des dents.