France

Alsace : Qu’est-ce que le « foie d’Or », ce foie gras sans gavage ?

«Je ne ferai plus de foie gras dans dix ans. » Aline Meyer le sait, son annonce est un brin osée. Depuis une quarantaine d’années, sa famille produit le célèbre met dans sa ferme de Gundershoffen (Bas-Rhin). Mieux, il est aujourd’hui l’une des principales sources de revenus de l’exploitation.

Mais alors, pourquoi vouloir arrêter ? Car la trentenaire (37 ans) s’est lancée depuis deux ans dans une autre voie. Une alternative tentée pour le moment chez des oies et peut-être un jour les canards : le « foie d’Or ». « N’écrivez surtout pas que c’est du foie gras sans gavage, la répression des fraudes me tomberait dessus !, intervient-elle. On n’a pas le droit de l’appeler comme ça, c’est pour ça qu’on a choisi ce nom. »

« Les tenter pour qu’elles aient envie de manger »

Ici, pas d’engraissage à l’aide d’un tube pendant une quinzaine de jours. Non, ses oies doivent se suralimenter toutes seules. « On sait que naturellement, elles vont se goinfrer afin de prendre des réserves pour les migrations. C’est-à-dire à partir de septembre, quand les jours déclinent. L’idée, c’est donc de les tenter pour qu’elles aient envie de manger », explique l’agricultrice alsacienne, consciente que sa démarche n’est pas forcément bien vue par ses confrères. D’autant qu’elle n’a, pour le moment, pas (encore) trouvé la bonne formule.

Jusqu’ici, le processus, novateur, était à peu près établi : une nourriture classique, c’est-à-dire un mélange de graines le premier mois à l’intérieur, puis « quelques gourmandises petit à petit pour leur en donner le goût ». « On leur apportait par exemple du miel, du pain, des gâteaux, des spaetzle. Des petites choses pour ne pas juste manger la portion de base et les tenter », détaille Aline Meyer, qui laisse ensuite le troupeau en liberté dans un verger. « Où tombent des pommes, des prunes, des mirabelles, des cerises. Puis on vient parfois y ajouter du pain d’épices, des raisins secs etc. Le but est vraiment que les oies aient envie d’y retourner. »

« Les oies sont très vite stressées »

En octobre, les premiers résultats de cette méthode semblaient probants. « Certains foies avaient atteint 400 grammes, le poids minimum qu’on s’est fixé pour l’appeler foie d’Or. » Sauf que la suite s’est révélée plus décevante. « On a fait des travaux pour des panneaux photovoltaïques. Même si les installateurs ont été discrets, ça a fait du bruit. Les oies sont très vite stressées… » Alors elles ont arrêté se suralimenter et leurs foies n’ont que très rarement dépassé le cap. Au lieu des 800 à 900 grammes obtenus après gavage, beaucoup ont plafonné « entre 250 et 350 ».

Résultat, « seulement 2,2 kg de foie d’Or » produits cette année. « J’avoue que j’étais déçu car j’en espérais 6 à 7 kg mais ce n’est pas grave. Déjà car on a transformé tous les petits foies en mousse d’Or et aussi car ça nous permet de tirer des leçons pour la suite », assure Aline Meyer qui prévoit, l’an prochain, plusieurs améliorations.

« Plus du double du prix du foie gras »

« Déjà, on ne fera plus de travaux car il ne faut aucun stress aux oies. Ensuite, on les confinera les deux dernières semaines. Je ne le voulais pas mais on n’a pas le choix, il faut qu’elles arrêtent de se dépenser à ce moment-là. Vraiment, il faudra que tout coïncide pour qu’on y arrive. » Pour que la production devienne plus conséquente, voire un jour concurrentielle avec le foie gras.

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Au niveau du prix, il reste là aussi du chemin. Cette année, la quasi-totalité de la production de « foie d’Or » a été achetée « par un député Suisse car son pays va peut-être interdire l’importation de foie gras et il veut faire goûter cette alternative ». A quel tarif ? L’exploitante ne souhaite pas rentrer dans le détail, « mais c’était plus du double du prix du foie gras ». Soit au moins 350 euros le kilo, contre donc environ 175 pour du foie gras d’oie de la ferme. « A terme, je veux rendre ce produit accessible », insiste Aline Meyer, convaincue par son projet. « La texture, on y est. On est aussi très proche du goût… La ligne est tracée. »