Allemagne : Vers un « record historique » de votes pour l’extrême droite après une série d’attaques ?
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Après l’attentat à la voiture-bélier à Munich, qui a fait 36 blessés, jeudi, les questions migratoires et sécuritaires monopolisent le débat de la fin de la campagne électorale pour les législatives anticipées en Allemagne, le 23 février prochain. Le suspect de l’attaque contre un rassemblement syndical, un Afghan de 24 ans, aurait agi pour des motifs « religieux » et « islamistes », ont annoncé vendredi les autorités.
Cette agression est la dernière d’une série qui a suscité une vive émotion en Allemagne. Le 22 janvier, deux personnes, dont un enfant, ont été tuées dans le sud du pays, à Aschaffenbourg. Le suspect est de nationalité afghane. Le 20 décembre 2024, sur le marché de Noël de Magdebourg, une attaque perpétrée par un médecin originaire d’Arabie saoudite proche de l’extrême droite avait fait six morts et près de 300 blessés. Le 23 août 2024, un Syrien a poignardé des personnes lors d’un festival à Solingen, tuant trois personnes. L’attaque a été revendiquée par l’État islamique.
Vers « un record historique » pour l’extrême droite ?
Après ces attentats, les partis d’opposition de droite et d’extrême droite se sont saisis du fait que les suspects des attentats étaient étrangers, dénonçant le supposé laxisme du gouvernement du chancelier social-démocrate Olaf Scholz. Le conservateur Friedrich Merz (CDU), favori des sondages pour remplacer Scholz à la chancellerie, a lui promis de remettre de « l’ordre » dans la politique migratoire. Quant à la cheffe du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), Alice Weidel, elle a réclamé un « tournant migratoire » dans le pays. Son parti vise la deuxième place lors de ces élections.
Celle-ci « constituerait un record historique pour l’AfD », avance Paul Maurice, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Mais on parlait déjà de record en 2017, quand l’extrême droite est arrivée troisième aux élections, avant de refluer en 2021 », rappelle-t-il.
« A chaque fois, ces attaques violentes bouleversent la société. Et leur point commun est que l’auteur est réfugié ou immigré, ce qui catalyse le débat sur les questions migratoires, même si les motivations des suspects sont différentes, et relèvent parfois de la psychiatrie », souligne Isabelle Guinaudeau, chargée de recherche CNRS au centre franco-allemand de recherche en sciences humaines et sociales Marc Bloch. Ces attentats, lentement, « droitisent » le débat politique allemand : « On voit un déplacement de l’ensemble du spectre politique vers la droite, même les partis situés à gauche. […] Les responsables sociaux-démocrates ont promis d’expulser le suspect afghan, bien que ce soit difficile à mettre en œuvre quand on n’a pas de lien diplomatique avec l’Afghanistan des talibans […]. Les écologistes ont, eux aussi, appelé à une restriction de l’immigration », note la chercheuse.
Des marches vers le pouvoir ?
« L’extrême droite en deuxième position en Allemagne représenterait un choc, avance encore le chercheur Paul Maurice. Mais ce score allemand représenterait aussi une normalisation du pays au regard de la vague de l’extrême droite dans de nombreux pays européens. » Mais ce succès de l’AfD ne rimerait pas avec une prise du pouvoir en Allemagne. « Il existe un plafond de verre pour l’extrême droite, car les conservateurs, qui sont favoris, ont annoncé ne pas faire de coalition avec eux en cas de victoire », relève Paul Maurice.
Cependant, Isabelle Guinaudeau souligne que « les tabous tombent » autour de l’extrême droite et ses thématiques anti-migratoires, bien que de grandes manifestations aient été organisées ces dernières semaines. « Le cordon sanitaire autour de l’extrême droite s’est sérieusement fissuré en Allemagne. L’AfD s’implante un peu partout, plus seulement dans l’Est, mais aussi dans le Sud, en Bavière ou dans le Bade-Wurtemberg. Elle se normalise, et est légitimée à mesure que les autres partis reprennent ses propositions », continue la chercheuse.
Nos articles sur l’attaque de Munich
Selon les derniers sondages, les conservateurs allemands sont en tête de ces élections, autour de 30 %, devant l’AfD, à plus de 20 %.