Affaire Jubillar, Daval, Emile : pourquoi ces faits divers retentissent.
Laure Zacchello, mère de famille basque âgée de 43 ans, s’est volatilisée en juin 2024 et son mari a été mis en examen pour « meurtre sur conjoint » trois mois après sa disparition. Le procès de Cédric Jubillar, accusé du meurtre de sa femme Delphine, est prévu pour durer quatre semaines et près de 300 journalistes sont accrédités pour suivre les audiences.
Avez-vous entendu parler de Laure Zacchello ? Cette mère de famille basque, âgée de 43 ans, a disparu un après-midi de juin 2024. Malgré les appels à témoins, les battues et de nombreuses enquêtes, les enquêteurs n’ont jamais retrouvé sa trace. Trois mois après sa disparition, son mari, père de leurs trois enfants, a été mis en examen pour « meurtre sur conjoint ». Cela, bien qu’il ait constamment nié les faits et qu’il n’y ait pas de corps. L’affaire ne vous rappelle-t-elle rien ? Delphine Jubillar, mère de deux enfants, a mystérieusement disparu un soir de décembre 2020. Son corps n’a jamais été retrouvé. Son mari Cédric est jugé à partir de ce lundi devant la cour d’assises du Tarn pour meurtre sur conjoint. Il a également toujours nié les faits en dépit de plusieurs éléments à charge.
Pourquoi l’affaire Jubillar a-t-elle suscité un tel intérêt médiatique ? Pourquoi ce dossier plutôt qu’un autre ? « D’abord, parce que c’est une énigme qui dure dans le temps », analyse la journaliste spécialisée Patricia Tourancheau, auteure de *Rubrique Faits Divers*. « Cela fait cinq ans que le corps de Delphine Jubillar reste introuvable malgré d’intenses investigations et que son mari nie les faits. » Plus l’incertitude persiste, plus les lecteurs restent en haleine. Chaque nouvel élément de l’affaire – fouilles, témoignages… – remet le dossier sous les projecteurs. « Puisqu’aucun scénario n’a émergé formellement, tout le monde est suspendu aux dernières avancées de l’enquête et aux rebondissements, constituant une sorte de feuilleton », ajoute Claire Sécail, chercheuse au CNRS spécialisée dans les médias, notamment le traitement des faits divers.
En cinq ans, l’affaire Jubillar a donné lieu à de nombreux reportages. À *20 Minutes*, pas moins de 160 articles ont été publiés sur le sujet. « Pour qu’un fait divers intéresse le public, il faut qu’il s’inscrive dans une thématique sociale. Si cette affaire avait eu lieu il y a vingt-cinq ans, avant le travail autour des féminicides, je ne suis pas sûre qu’elle aurait eu le même écho », précise Claire Sécail. Au-delà de l’enquête, le scénario qui se dessine autour de ce drame fascine tout en permettant une identification. Sur le papier, les Jubillar sont des Monsieur et Madame Tout-le-Monde : deux enfants, une maison en chantier. Elle est infirmière, lui travaille dans le bâtiment. Mais rapidement, les enquêteurs découvrent que le couple était criblé de dettes, sur le point de divorcer et qu’elle avait un amant avec lequel elle avait prévu de s’installer.
Pour qu’une affaire prenne de l’ampleur, il faut aussi que la médiatisation entre dans la stratégie des avocats. « Pour parler des affaires, il faut avoir des informations. Or parfois, il règne une forme d’omerta. Certains avocats ou magistrats refusent de parler à la presse et, par conséquent, ces dossiers sont moins médiatisés », indique Patricia Tourancheau. Elle évoque l’affaire du Grêlé, un tueur et violeur en série ayant sévi en région parisienne entre 1986 et 1994. « Dans ce cas, tous les éléments étaient présents pour fasciner le public – un mystère, des faits sériels –, mais l’information a été bloquée pendant des années, rendant l’enquête très compliquée. C’est pour cela qu’on a moins parlé du Grêlé que de Guy Georges ou de Fourniret. » Ce n’est qu’en 2021, lorsque le tueur est identifié – François Vérove, un ancien policier puis gendarme – que l’affaire attire l’attention médiatique.
La personnalité de Cédric Jubillar joue également un rôle crucial dans cet intérêt médiatique. Bien qu’il ait participé à une battue et à une marche blanche pour sa femme, il semble détaché, presque désinvolte, ironise sur la situation et se remet rapidement en couple. « On peut le comparer à l’affaire Daval, estime Patricia Tourancheau. L’impact de ce féminicide est en grande partie dû à la personnalité de Jonathann Daval. Avant d’avouer le meurtre de sa femme, il se montrait en larmes aux côtés de sa belle-famille, puis a accusé son beau-frère. »
Parfois, certaines affaires ont du mal à se faire une place dans les médias en raison d’un calendrier particulièrement chargé. La disparition de Laura Zacchello se produit entre la dissolution de l’Assemblée nationale et le premier tour des législatives, en pleine crise politique. En revanche, la disparition de Jubillar se produit peu avant Noël, période traditionnellement calme pour les médias.
« Une information dépend de l’actualité », analyse Claire Sécail. « C’est le principe de hiérarchisation de l’information. Ce n’est pas une logique prévisible, cela se joue au jour le jour. » Par exemple, l’accident de TGV d’Eckwersheim (Alsace), qui a fait 11 morts et 21 blessés le 14 novembre 2015, a été complètement occulté par les attentats de Paris survenus la veille. « Il existe toutefois une différence entre la presse locale et nationale », souligne la sociologue. « Ce n’est pas parce qu’un fait divers n’est pas traité à l’échelle nationale qu’il n’est pas suivi localement. »
Il reste maintenant une inconnue : le procès de Cédric Jubillar, prévu pour durer quatre semaines, aura-t-il le même retentissement que les enquêtes ? Bien qu’il soit impossible de répondre formellement, près de 300 journalistes sont accrédités pour suivre les audiences. Cet intérêt s’explique notamment par l’enjeu de ce dossier hors du commun : malgré de nombreux éléments pointant vers le principal suspect et mari de la victime, l’absence de corps ou d’aveux rend l’hypothèse d’un acquittement plausible.
*Rubrique Faits Divers, par Patricia Tourancheau. Édition du Seuil, mars 2025.*

