Affaire des écoutes : Nicolas Sarkozy rejugé lundi en appel pour corruption

La retraite politique de Nicolas Sarkozy s’apparente à un long chemin de croix judiciaire. L’ancien président sera de retour à la barre lundi, jugé en appel dans l’affaire dite des « écoutes », qui lui avait valu en première instance le 1er mars 2021 une peine de trois ans d’emprisonnement, dont un ferme. La même peine avait été prononcée contre ses deux coprévenus, son avocat Thierry Herzog et l’ancien haut-magistrat Gilbert Azibert.

Cette affaire est elle-même issue d’une autre enquête, quand les deux téléphones de Nicolas Sarkozy ont été mis sur écoute par les juges chargés d’éclaircir les soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007, qui lui valent aujourd’hui une quadruple mise en examen. Les enquêteurs découvrent alors l’existence d’une troisième ligne mise en service le 11 janvier 2014 sous l’alias « Paul Bismuth », du nom d’une connaissance de lycée de Thierry Herzog, et dédiée aux échanges entre l’ex-président et son avocat et ami proche.

« Il a bossé hein ? »

Au fil de conversations qu’ils pensent à l’abri des oreilles indiscrètes se dessine, selon l’accusation, un pacte de corruption noué avec Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation. D’un côté, Nicolas Sarkozy cherche des informations couvertes par le secret, voire une influence, sur un pourvoi en cassation qu’il avait formé dans l’affaire Bettencourt. En échange : la promesse d’un soutien pour un poste à Monaco pour Gilbert Azibert.

A l’époque, Nicolas Sarkozy voulait faire annuler par la haute juridiction la saisie de ses agendas présidentiels dans le cadre de l’enquête pour abus de faiblesse sur l’héritière de L’Oréal Liliane Bettencourt. Et Gilbert Azibert, soupçonné d’avoir eu connaissance, en amont, d’informations confidentielles, aurait tenté d’influencer des conseillers participant aux délibérations.

« Il a bossé, hein ? », se félicite Me Herzog sur la ligne « Bismuth » où il fait part à Nicolas Sarkozy du souhait du magistrat d’obtenir « peut-être un coup de pouce » pour un poste à Monaco. D’après les interceptions, Nicolas Sarkozy promet alors à son avocat d’activer ses réseaux sur Le Rocher pour « faire monter » Gilbert Azibert. « Je m’en occuperai parce que moi je vais à Monaco et je verrai le Prince », assure-t-il. Finalement, Azibert ne décrochera pas le poste convoité et la Cour de cassation rejettera le pourvoi de Nicolas Sarkozy dans l’affaire des agendas. Le point de savoir s’il est intervenu auprès des autorités monégasques reste discuté.

Zones d’ombre

Selon la défense, c’est la preuve que le pacte corruptif n’est qu’un « fantasme ». Au contraire, en première instance, le tribunal correctionnel a considéré que la corruption était caractérisée dès lors qu’une récompense était proposée et acceptée en échange d’une contrepartie, que le but ait été ou non atteint. Nicolas Sarkozy « s’est servi de son statut d’ancien président (…) pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel », a tranché le tribunal. Il est alors devenu le deuxième président de la Ve République condamné par la justice, après Jacques Chirac en 2011.

Après sa condamnation, l’ex-président s’était dit victime d’une « injustice profonde », dénonçant des « infamies ». Les débats devant la cour d’appel, prévus jusqu’au 16 décembre, promettent d’être moins orageux mais une zone d’ombre au moins demeurera. Fin février 2014, un brusque changement de ton dans les échanges entre Nicolas Sarkozy et son avocat avait convaincu les enquêteurs qu’ils se savaient sur écoutes. Mais l’enquête du PNF n’a pas permis d’identifier une éventuelle « taupe » qui les aurait informés.