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Affaire Bétharram : Que risque François Bayrou s’il a menti sous serment devant la commission d’enquête ?

François Bayrou a-t-il menti lors de son audition par les parlementaires dans le cadre de la commission d’enquête sur l’affaire Bétharram ? C’est ce qu’a affirmé le député LFI Paul Vannier, co-rapporteur de la commission, lors d’une conférence de presse organisée jeudi, au lendemain de son audition.

« Elle [cette audition] permet de confirmer que le Premier ministre […] a menti. Il a menti et il le reconnaît en faisant devant la commission d’enquête varier très profondément, très notablement sa version de toute une série de faits », a notamment assuré le député LFI. Dénonçant ce qu’il décrit comme une tentative de le pousser à démissionner, François Bayrou a pour sa part assuré : « Je n’ai pas ma part de responsabilité dans ce dont on m’accusait. Je n’ai pas couvert des pratiques quelles qu’elles soient. Je n’ai pas eu d’informations privilégiées. Je ne suis pas resté sans rien faire quand j’ai découvert les affaires et je ne suis jamais intervenu dans une affaire ».

La commission d’enquête n’a pas de pouvoir pénal

La question d’un potentiel mensonge est ici bien moins anodine que dans le jeu traditionnel des déclarations politiques. François Bayrou s’exprimait mercredi sous serment devant les parlementaires. Ce paramètre implique de potentielles conséquences juridiques très concrètes en cas de mensonge avéré. « L’article 5 ter de l’ordonnance N° 58-1100, du 17 novembre 1958, qui régit le fonctionnement des assemblées parlementaires, prévoit qu’une commission permanente peut demander à être dotée des pouvoirs d’enquête.

Lorsque c’est le cas, elle se transforme de facto en commission d’enquête, et suit donc les règles associées pour une durée de six mois, comme la prestation de serment ou l’obligation de comparaître », explique le juriste Jean-Pierre Camby, juriste. « La commission des affaires culturelles s’est vue dotée des pouvoirs d’enquête le 21 février 2025. Elle a donc jusqu’au 21 août pour rendre son rapport. »

Qui peut déterminer juridiquement si une personne auditionnée a menti sous serment ? Ce n’est pas de la compétence des députés, car la commission n’a pas de pouvoir pénal. « Son seul pouvoir est alors de saisir le juge, si la commission décide de transmettre le cas au parquet, détaille le spécialiste. Dans la situation de François Bayrou, une éventuelle transmission au parquet poserait en outre la question de la compétence de la Cour de justice de la République pour juger des actes accomplis en tant que ministre. Mais si les actes sont totalement détachables de ses fonctions ministérielles, le cas tomberait sous la compétence du juge ordinaire. »

Quelles peines possibles pour un faux témoignage ?

Deux cas de figure sont possibles dans le cas où une personne qui s’exprime sous serment ne dit pas la vérité : l’omission, ou le mensonge délibéré. S’ils sont volontaires elles constituent un faux témoignage, c’est notamment l’article 434-13 du Code électoral qui s’applique. Ce dernier indique : « Le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. » La condamnation peut même aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende dans certains cas de figure.

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Il existe assez peu de cas de jurisprudence ayant débouché sur une condamnation pour faux témoignage. Jean-Pierre Camby évoque notamment le cas de Michel Aubier, pneumologue condamné pour faux témoignage devant le Sénat pour avoir caché devant la commission d’enquête du Sénat sur le coût de la pollution de l’air ses liens avec Total. Ce dernier avait été condamné en première instance en juillet 2017 à 6 mois de prison avec sursis et 50.000 euros d’amende, puis en appel en novembre 2018 à 20.000 euros d’amende.

Plus récemment, plusieurs poursuites ont été entamées pour des soupçons de faux témoignages devant des commissions d’enquête, comme Aurore Bergé, dans l’affaire des crèches privées. Il y a trois jours, la commission d’enquête sénatoriale sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille a annoncé son intention de saisir la justice, soupçonnant le directeur industriel de Nestlé Waters Ronan Le Fanic d’avoir menti sous serment.