Affaire Bétharram : Prescription, suspects décédés… Que peut attendre le collectif des victimes ?

Plus d’une centaine de plaintes pour des faits de violences sexuelles aggravées et de violences aggravées commis entre 1955 et 2004, ont été portées à la connaissance de la justice dans l’affaire Bétharram. Dans cet établissement privé catholique des Pyrénées-Atlantiques, les enfants devenus grands et parfois âgés racontent des sévices, des abus et un climat de terreur.
Problème : sur les onze personnes mises en cause, huit sont décédées. Et parmi les trois personnes placées en garde à vue mercredi pour viols, agressions sexuelles et violences, seule une, un surveillant laïc, se retrouve poursuivie. Les faits concernant les deux autres, un laïc et un religieux, sont couverts par la prescription.
« Formidable opportunité pour changer nos pratiques »
Mais pour Alain Esquerre, ancien interne de l’établissement et porte-parole du collectif des victimes de Bétharram, la prescription n’est pas le sujet le plus important. « Oui, beaucoup de faits sont prescrits et beaucoup d’auteurs décédés, constate-t-il. Pour ceux qui ne le sont pas, si on ne les atteint pas au pénal, nous verrons comment nous pourrons les atteindre par des poursuites au civil ou d’autres opérations qui les désigneront du doigt. »
Élisabeth Borne, ex-Première ministre, a reconnu que « l’Etat n’a pas été au rendez-vous » dans cette affaire. « Il faut accepter aujourd’hui ce constat, estime Alain Esquerre. Et c’est aussi le propre d’une grande démocratie de faire amende honorable, et de dire que les victimes de Bétharram, comme celles d’autres institutions, ont été laissées-pour-compte parce que la société n’était pas prête. »
C’est à son sens dans le même temps, une « formidable opportunité pour changer vraiment nos pratiques à tous les niveaux de l’Etat dans la reconnaissance publique du statut de victimes ». Il appelle aussi à la mise en œuvre de « processus de réparation et de reconstruction pour tous les auteurs et pas uniquement pour les victimes d’abus sexuels de prêtres. Il faut également s’occuper des laïcs et des violences physiques ».
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Le lanceur d’alerte a aussi été contacté personnellement par le Premier ministre François Bayrou samedi, pour parler de la question de la prescription. « Je pense qu’aujourd’hui au sein des instances de droit, on s’interroge sur comment faire progresser la loi. » Alain Esquerre espère que la question des violences et violences sexuelles puisse devenir une priorité nationale. « Il faut se servir de ces scandales pour faire progresser la société, ajoute-t-il. Et là, j’ai l’impression que les lignes commencent à bouger. »