Affaire Bétharram : « Le nombre de plaintes va être colossal, des pédocriminels y ont sévi pendant des décennies »
Alain Esquerre, 53 ans, est un des lanceurs d’alerte dans l’affaire Bétharram. Ancien élève, il a créé le groupe Facebook des anciens de l’établissement privé catholique Notre-Dame-De-Bétharram, contribuant à libérer la parole. Dans cette affaire, qui s’étale sur plus de deux générations, de 1950 à 2010, des violences physiques et sexuelles ont été imposées à des enfants, parfois de façon régulière, par des membres du personnel laïc et religieux de l’établissement. Un climat de terreur régnait dans le collège-lycée où les maltraitances étaient quotidiennes.

Trois hommes ont été placés en garde à vue, pour viols, agressions sexuelles et violences commis entre 1957 et 2004 et une information judiciaire a été ouverte contre l’un d’eux, un ancien surveillant laïc présent encore jusqu’à récemment dans l’établissement, pour viol et agression sexuelle. Alain Esquerre répond aux questions de 20 Minutes sur les derniers éléments de l’affaire qui a récemment pris un tour politique avec la mise en cause de François Bayrou, et judiciaire.
Où en est-on des plaintes ?
Je suis incapable de faire un décompte final à ce stade. Le procureur de la République de Pau faisait état de 114 plaintes et moi j’ai connaissance d’au moins une vingtaine de plus. Je sais aussi que d’autres agresseurs ont été entendus pour des violences physiques dans des gendarmeries, ce jeudi, en parallèle des gardes à vue.
Il y a bien sûr, une grande attente et c’est pour cela qu’à terme, on aura des centaines de plaintes. Leur nombre va être colossal et c’est normal quand on sait que plusieurs pédocriminels ont sévi pendant des décennies dans cet établissement.
Tous les enfants passés à Bétharram ont été au moins témoins de violences physiques mais ils n’ont pas tous eu conscience du fait qu’ils étaient victimes et que cela aurait des répercussions sur leur vie. Aujourd’hui, ils ne vont pas spontanément déposer un Cerfa [formulaire de dépôt de plainte] car cela suppose qu’ils se replongent dans des souvenirs qui leur pèsent.
Vous aviez tenté aussi de sonner l’alerte en 1996 avec l’ancienne professeure de mathématiques, Françoise Gullung. Pourquoi n’avez-vous pas été entendu, alors ?
Oui, j’étais avec elle en 1996 et j’avais distribué des tracts devant Bétharram avec le père de Marc, qui a été victime d’une claque qui lui a fait perdre 40 % d’audition. A ce moment-là, on aurait dû envoyer des courriers recommandés, on n’a pas été suffisamment vigilants pour dénoncer officiellement les violences mais l’époque était aussi différente.
Aujourd’hui, on est davantage procéduriers mais tout n’est pas encore gagné. Cela fait un an et demi que je porte ce combat, qui intéresse victimes et journalistes, mais on n’a pas eu de réaction d’un syndicat enseignant, ni de la conférence des évêques ou du diocèse et, l’établissement a fait part de sa compassion mais sans rien proposer. L’omerta reste encore là, même si la parole commence un peu à se libérer. Beaucoup d’anciens de Notre-Dame-de-Bétharram ont envie de dénoncer les pratiques.
Est-ce que le collectif souhaite une fermeture de l’établissement ?
Les avis sont différents parmi les membres du collectif mais ce n’est pas une demande que je porte en tant que porte-parole. Pourquoi le fermerait-on s’il se réforme en profondeur ? J’ai eu des échanges avec des internes actuels qui m’ont dit que l’ambiance était bonne et que les choses avaient changé.
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Néanmoins, j’ai des éléments à communiquer car je pense qu’il y a eu des manquements graves ces dernières années. C’est la raison pour laquelle je veux être entendu par la commission d’enquête qui va faire une visite le 17 mars au sein de l’établissement.