Affaire Bétharram : Combien de victimes ont-elles été indemnisées après les autres scandales d’abus sexuels ?

Trois ans et demi après la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), qui avait créé une onde de choc incomparable en estimant que, depuis soixante-dix ans, 216.000 mineurs ont été abusés par des prêtres et des religieux, 330.000 si l’on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Eglise catholique, l’immense chantier de reconnaissance et de réparation des victimes est toujours en cours en France. La réparation financière est l’un des axes de cette politique. Selon les calculs de 20 Minutes, un peu moins de 40 millions d’euros ont été distribuées à quelque 1.500 victimes.
Deux structures et un fonds de dotation
A la suite du rapport de la Ciase, plusieurs structures ont été créées en 2021 afin d’accompagner les victimes de la pédocriminalité dans l’Eglise. Ces commissions reçoivent les alertes, montent les dossiers, peuvent reconnaître les abus et, dans certains cas, établir des recommandations ouvrant la voie à une réparation financière, quand la demande est formulée par la victime.
Créée à l’initiative des évêques, mais indépendante dans son fonctionnement, l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) reçoit les victimes de prêtres ou de laïcs dans les diocèses, les établissements ou les mouvements de jeunesse catholiques. Selon les derniers chiffres, datant de mars 2024, 1.351 victimes ont saisi l’institution, dont 215 sur la seule année 2023. Parmi elles, 571 victimes ont été indemnisées. « Chaque semaine, de nouvelles personnes nous contactent », fait savoir l’instance, qui dévoilera son rapport annuel à la fin mars.
L’Inirr ne s’occupe pas des réparations financières. Cette instance indépendante établit des recommandations d’indemnisations au fonds de dotation de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs (fonds Selam). Selon les derniers chiffres, ce fonds, qui ne reçoit pas de financement public, a distribué 17,1 millions aux victimes. Ayant réuni 20,1 millions d’euros à sa création, un deuxième appel à contribution aux diocèses et aux organismes d’Église a été lancé afin de doubler ses fonds.
D’où vient l’argent du fonds Selam ?
L’argent de ce fonds Selam, qui sert à indemniser les victimes des membres du clergé ou d’un laïc travaillant pour l’Eglise, provient majoritairement des diocèses, ces circonscriptions territoriales gérées par un évêque. Ce fonds a aussi été alimenté par des dons d’évêques à titre personnel, de prêtres, de donateurs laïcs, d’associations et de communautés. L’argent ne vient pas de la générosité des fidèles, comme le denier de l’Eglise, la quête ou les offrandes à la messe. Il ne vient pas, non plus, du Vatican.
Une structure pour les victimes de membres des congrégations
Une autre structure, créée en 2021 par la Conférence des religieux et religieuses de France, s’adresse aux victimes de membres de congrégations religieuses. Contrairement à l’Inirr, la Commission reconnaissance et réparation (CRR), financée par ces congrégations, gère l’indemnisation des victimes. Contactée par 20 Minutes, la CRR précise qu’« entre 10 et 15 dossiers par mois » sont aujourd’hui montés par la CRR. Le nombre de plaintes varie selon la médiatisation de scandales, comme aujourd’hui, à l’institution Notre-Dame-de-Bétharram. D’autres victimes, parfois dans d’autres lieux, à d’autres époques, brisent le silence et contactent la structure.
Quand elle est souhaitée par la victime, et décidée, la réparation financière accordée par la CRR peut varier entre 1 et 60.000 euros. Selon la déléguée générale de la CRR, Anne de Richecour, 1.065 personnes ont saisi cette commission depuis sa création, fin 2021, et 908 demandes ont été instruites. Le montant total des réparations financières a atteint 17,1 millions d’euros à ce jour, pour un montant moyen recommandé de 34.500 euros.
Les sommes réunies par les congrégations religieuses sont-elles difficiles à réunir ? « L’état des finances des congrégations n’est pas le problème des victimes, ou de la CRR », souligne la déléguée générale. Anne de Richecour précise cependant que la situation des congrégations est extrêmement diverse. « Certaines peuvent payer. Pour d’autres, c’est beaucoup plus compliqué, l’une ne pouvant accorder plus de 200 euros par mois ». Certaines congrégations, en difficulté, ont cédé des biens immobiliers, ou ont fait appel à leurs éventuelles fondations pour libérer des ressources financières.
Vers une structure s’adressant aux victimes majeures
Tant l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation et la Commission reconnaissance et réparation s’adressent aux victimes mineures de membres de l’Eglise lorsqu’elles étaient mineures. Une nouvelle structure pourrait voir le jour, s’adressant, elle, aux victimes majeures commises au sein de l’Eglise, ce qui était notamment le cas de la plupart des femmes accusant l’abbé Pierre de violences sexuelles entre les années 1950 et 2000.
Notre dossier sur le scandale de Bétharram
Selon les évêques, la structure aurait pour but d’accompagner les victimes soit vers la justice, soit vers le tribunal canonique, c’est-à-dire la justice interne à l’Eglise, soit vers un processus de justice restaurative. Les réflexions sur ce nouveau dispositif, lancées en 2022, étaient toujours en cours en novembre dernier.