Adolf Hitler était communiste ? Pourquoi cette affirmation de la cheffe de l’extrême droite allemande n’a pas de sens
Adolf Hitler était communiste. Cette affirmation, à première vue absurde, a pourtant été récemment mise en avant par l’homme le plus riche du monde dans une tribune offerte à la candidate aux législatives pour le parti d’extrême droite allemand AfD. C’est en effet lors d’une discussion sur X entre Elon Musk et Alice Weidel [replay ici], jeudi dernier, que s’est produite en direct cette révision de l’histoire, écoutée par presque 2 millions de personnes.
Lors de cet échange de plus d’une heure, qui s’inscrit dans la stratégie d’Elon Musk de soutien aux extrêmes droites européennes (fort de ses 212 millions d’abonnés sur son propre réseau social), il a demandé à Alice Weidel de réagir au fait que « de nombreux médias veulent présenter l’AfD comme une organisation d’extrême droite associée au nazisme ». Rappelant son statut d’« économiste » (elle a obtenu un doctorat en économie), Alice Weidel propose alors d’« apporter quelques éclaircissements sur l’idée des nationaux-socialistes ».
« Sous le IIIe Reich, les national-socialistes, comme le dit leur nom, étaient socialistes », entame la femme politique dont le parti est crédité d’environ 22 % des intentions de vote. « Il [Hitler] était communiste, et il se considérait lui-même comme un socialiste », « Ils [les nazis] ont financé les entreprises privées par l’État et imposé d’énormes taxes », « ils ont nationalisé l’industrie toute entière », déballe-t-elle dans la foulée. Avant de constater : « La plus grande réussite après cette terrible période de notre Histoire a été de qualifier Adolf Hitler de droite et de conservateur. »
FAKE OFF
Hitler et le nazisme n’avaient rien de communiste. Pour aller au-delà de cette évidence, et parce que les arguments mis en avant reviennent de temps à autre dans le débat public, 20 Minutes a interrogé deux historiens spécialistes de cette mouvance.
Premier point : l’idéologie nazie est profondément anticommuniste. « Dès les premières pages de Mein Kampf et dans tous ses discours, Hitler exprime clairement sa volonté de détruire le communisme », rappelle Nicolas Patin, professeur d’histoire à l’Université Bordeaux Montaigne. Après 1933 [date d’accession de Hitler au pouvoir], une des premières décisions des nazis est d’assassiner les militants communistes. Ils interdisent également les syndicats. C’est une politique qui détruit en quelques mois tous les corps intermédiaires du monde ouvrier. »
Un vernis socialiste inexistant dans les faits
Que vient alors faire le mot « socialiste » dans l’appellation officielle du parti nazi, le « Parti national-socialiste des travailleurs allemands » ? « A la fin de la Première Guerre Mondiale en Allemagne, une myriade de mouvements d’extrême droite mettent dans leurs noms des marqueurs censés parler à un électorat tenté par la gauche, puisque le gros danger pour l’extrême droite à l’époque est la montée du communisme », explique Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à Sorbonne Université.
Malgré la présence de « décisions qui peuvent paraître aujourd’hui de gauche » dans leur programme de 1920, les objectifs affichés par les nazis, comme le fait de nationaliser les banques ou les grands magasins, « sont motivées par l’antisémitisme », rappelle Nicolas Patin. Surtout, les nazis n’ont, dans les faits « rien nationalisé », martèle Johann Chapoutot. « Une fois au pouvoir en 1933, ils ont une politique de deal avec le patronat allemand. Elle consistait à annuler toutes les mesures sociales décidées pendant la révolution de 1918 [qui met fin à l’empire allemand], comme la réduction du temps de travail ou la représentativité syndicale. » Pour Nicolas Patin, on peut parler d’« une mise sous coupe des industries » dans le cadre de l’effort de guerre, mais surtout d’une « dictature au profit du patronat qui n’a rien de communiste. »
Un dévoiement de l’Histoire, vraiment ?
Certains nazis se considéraient-ils eux-mêmes comme communistes, comme l’affirme Alice Weidel ? « Il y avait une petite frange du parti nazi qui se disait national bolchevique, et une partie de la Section d’Assaut [organisation paramilitaire dont est issue la SS] qui se revendiquait national-putchiste », tient à préciser Nicolas Patin. Mais ces derniers « n’ont pas de vraie doctrine marxiste ».
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Malgré ce qu’affirme la candidate allemande aux législatives, même dans les années 1940, le positionnement des nazis était bel et bien identifié, comme le soutien Johann Chapoutot : « Il était très clair que les nazis étaient d’extrême droite. Eux-mêmes le disaient, lorsqu’ils répètaient à longueur de temps que leurs ennemis sont le marxisme, les syndicats, la gauche, les communistes… »