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Abus de position dominante : « Prouver que le public a été lésé par Google sera difficile », estime l’avocat David Balto

Plus de 20 ans après le bras de fer entre l’Etat américain et Microsoft, un autre géant de la tech est dans le collimateur de l’Oncle Sam. Mardi, le département de la Justice (DOJ) et huit Etats ont porté plainte contre Google pour abus de position monopolistique sur le marché de la publicité en ligne. Des poursuites qui s’annoncent « compliquées à gagner », estime David Balto, avocat spécialiste des dossiers antitrust qui a passé neuf ans à la Federal Trade Commission (FTC), le gendarme de la concurrence, dans les années 1990.

L’Etat américain a-t-il un dossier solide ?

Ce sont des poursuites qui vont être compliquées à gagner, notamment car elles demandent le démantèlement de la plateforme publicitaire de Google, ce qui constitue une mesure extraordinaire. Selon les lois antitrust, il ne suffit pas de prouver qu’une entreprise se trouve en situation de monopole. La question centrale est : « Est-ce que le public a été directement lésé par les actions de Google ? » Sur le marché de la publicité, c’est difficile à prouver, surtout avec un moteur de recherche gratuit.

Pour quelles raisons ?

Sur la publicité en ligne, ce sont avant tout les annonceurs et les éditeurs qui souffrent, pas le public. Les lois antitrust sont avant tout là pour protéger les consommateurs. On est ici dans ce que l’on appelle un two-sided market, un marché biface. En 2018, la Cour suprême avait rendu un avis en faveur d’American Express sur les frais de transactions plus élevés imposés aux marchands, en soulignant que les clients recevaient des avantages sur leur carte.

Le duopole d’Alphabet (Google) et Meta (Facebook) sur la publicité en ligne s’effrite, de près des deux tiers du marché à moins de 50 % aujourd’hui. Cela aide-t-il Google ?

Oui. Techniquement, la plainte porte sur les 15 dernières années. Mais les avocats de Google vont pouvoir argumenter que le marché change très vite avec de nouveaux entrants, et qu’il est davantage compétitif.

La FTC avait donné son feu vert au rachat de la régie publicitaire DoubleClick par Google, et à ceux d’Instagram et WhatsApp par Facebook. Etait-ce une erreur ?

Il n’y a pas de délai de prescription pour engager des poursuites après une acquisition. Mais la décision de la FTC estimant que le rachat ne risquait pas d’avoir des conséquences anti-compétitives à l’époque constitue un problème supplémentaire pour le département de la Justice.

Quels enseignements peut-on tirer du procès de Microsoft ?

En première instance, le juge avait tranché en faveur du gouvernement et ordonné le démantèlement de Microsoft en deux entités (une Windows et une autre pour les logiciels). Mais la décision avait été renversée en appel. Notamment, car un démantèlement ne peut être qu’une punition de dernier recours. Il faut prouver que toutes les autres mesures pour tenter de faire cesser les abus ont échoué.