France

Abeilles décimées par les frelons asiatiques depuis l’été : situation catastrophique.

Patrick Walle, apiculteur à Sains-Richaumont, affirme avoir perdu presque toutes ses ruches en raison d’attaques de frelons asiatiques, ne lui laissant qu’une seule ruche sur 18 initiales en mai. Henri Clément, président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), déplore qu’aucun décret d’application n’ait été mis en place pour la loi votée au printemps visant à lutter contre le frelon asiatique.


Le ton est sérieux, presque résigné. « Je me sens impuissant. Je ne peux rien faire, ils sont trop nombreux ». Patrick Walle réside à Sains-Richaumont, un petit village de 1.000 habitants dans l’Aisne. Passionné par l’apiculture depuis une dizaine d’années, il a commencé avec deux ruches et a progressivement étendu son activité, possédant environ vingt ruches avant l’été. Cependant, nous utilisons le passé car Patrick Walle n’a quasiment plus rien. Ses ruches, victimes d’attaques répétées de frelons asiatiques, ont quasiment disparu. « J’en avais 18 en mai. Il ne m’en reste plus qu’une. Et je ne suis même pas sûr qu’elle passe l’hiver. Je n’avais jamais vu ça. Nous avons été envahis. »

L’apiculteur picard n’est pas isolé dans cette situation. Dans son village, tous les habitants ont été confrontés à cette invasion d’insectes jaunes et noirs tout au long de l’été. « On ne pouvait même plus manger en terrasse. Ils étaient partout. Dans le village, nous avons déjà détruit 17 nids. Il y en avait partout, réellement. »

### Vingt ans de présence en France

L’automne et le froid ont apporté un peu de répit à Sains-Richaumont, atténuant peu à peu les attaques des prédateurs. « Mais ils reviendront. Au printemps, nous serons à nouveau envahis. La France a laissé faire et maintenant, ils sont partout », témoigne l’apiculteur amateur. En tant que trésorier de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), Patrick Walle représente tous les passionnés d’abeilles en France. Tous font face au même fléau depuis l’arrivée du frelon asiatique en 2004, lorsque le « Vespa velutina nigrithorax » a été introduit par un pépiniériste du Lot-et-Garonne qui importait des plantes d’Asie.

Depuis 21 ans, le frelon asiatique détruit les colonies d’abeilles, mais pas seulement. Vorace, cet insecte consomme tout ce qu’il peut : papillons, mouches et guêpes. Que fait donc la France pour tenter de l’éradiquer ? « Rien. Ou presque rien », répond Henri Clément, président de l’Unaf. Cet apiculteur de Lozère a initié une pétition récemment publiée pour inciter le gouvernement français à agir. « La saison a été plutôt bonne pour les abeilles et la récolte de miel a été correcte. Mais depuis août, la situation est catastrophique. C’est un véritable carnage. Certains apiculteurs ont tout perdu en quelques semaines. C’est tragique. Je pense que beaucoup vont perdre leurs colonies pendant l’hiver », anticipe Henri Clément.

Le réchauffement climatique exacerbe le phénomène, prolongeant les attaques tard dans l’automne, car les gelées ne sont pas suffisamment puissantes pour les arrêter.

### Toujours aucun décret d’application de la loi

Au printemps, la France avait voté une première loi supposée lutter contre le frelon asiatique. Soutenue par quelques sénateurs et députés ruraux, le texte a été adopté à l’unanimité. « La France reconnaît désormais que le frelon asiatique est un prédateur et qu’il faut lutter contre. Les préfets auront l’obligation d’intervenir », affirmait Patrick Granziera, ancien président de l’Unaf. Pourtant, six mois plus tard, la situation demeure inchangée. « Nous n’avons toujours aucun décret d’application. Rien. Et d’après ce que l’on entend, cette loi ne servira à rien », déplore Henri Clément. Pendant ce temps, des abeilles meurent par dizaines de milliers. Certaines personnes aussi. « Les attaques sur individus se multiplient. Sur les marchés, chez les arboriculteurs, dans les vignes… Ils sont partout », assure le président de l’Unaf.

Dans sa pétition, l’union des apiculteurs demande notamment des indemnités pour les apiculteurs sinistrés. « On le fait bien pour les éleveurs qui subissent les attaques de loups ou d’ours. » Son syndicat appelle également à la mise en place de campagnes de piégeage à grande échelle au début du printemps. En capturant les reines en février et mars, on peut considérablement réduire l’apparition de nouveaux nids. Cependant, l’action doit être soigneusement planifiée et coordonnée. « Si une commune le fait mais pas la voisine, cela ne sert à rien », insiste Patrick Walle. Des décisions fortes sont attendues, mais le gouvernement semble ne pas les entendre.