France

A Saint-Brévin, les habitants soutiennent le maire après sa démission

« Ça fait beaucoup parler depuis ce matin. Et il y a de tous les avis », commente la gérante d’une boulangerie du centre-ville de Saint-Brévin-les-Pins. Dans cette petite commune balnéaire proche de Saint-Nazaire (15.000 habitants en hiver, le triple en été), le sujet de conversation du jour est évidemment la démission du maire, Yannick Morez (sans étiquette), annoncée mercredi soir via un court communiqué. Plus que la mise en retrait de cet élu en poste depuis 2017, ce sont les circonstances qui interpellent tout le monde. L’édile, médecin de profession, justifie en effet sa décision par « des raisons personnelles, notamment suite à l’incendie criminel perpétré à mon domicile et au manque de soutien de l’Etat, et après une longue réflexion menée avec ma famille ».

Le 22 mars dernier, la maison et les véhicules de Yannick Morez avaient en effet été mis à feu, alors que le maire était déjà la cible de menaces depuis qu’il soutient l’installation d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) sur la commune, un projet porté par l’Etat. Le 29 avril, une manifestation d’opposants au Cada, appuyée par des organisations d’extrême droite, avait entraîné de vives tensions.

« C’est vraiment révoltant »

« Le maire en a eu le ras-le-bol, je le comprends. C’est allé beaucoup trop loin cette histoire », réagit Bruno, 45 ans, à la sortie de la boulangerie qui ne « souhaite pas en dire plus ». « C’est triste d’en arriver là mais c’est compréhensible. S’en prendre à son domicile, c’est violent quand même », ajoute Christiane. Comme la plupart des Brévinois croisés dans les rues ce jeudi matin, José, se dit « choqué ». « Les menaces, le harcèlement, c’est dur. Mais je ne pensais pas qu’il irait jusqu’à démissionner. C’est désolant. On est en France quand même. Je le connaissais un peu en tant que président d’association, il respectait tout le monde. Les individus qui ont de tels agissements n’ont rien à faire chez nous. Il faut les faire payer. » « Non seulement il démissionne mais, en plus, j’ai appris qu’il allait quitter la commune où il vit depuis trente ans [confirmé par Ouest-France]. C’est vraiment révoltant. Je ne le connaissais pas particulièrement mais je lui apporte mon soutien. J’aurais peut-être fait pareil à sa place », ajoute Estelle, 37 ans.

L'une des rues commerçantes du centre-ville de Saint-Brévin-les-Pins, jeudi 11 mai 2023.
L’une des rues commerçantes du centre-ville de Saint-Brévin-les-Pins, jeudi 11 mai 2023. – F.Brenon/20Minutes

Président du collectif Brévinois attentifs et solidaires, organisation favorable au projet de Cada, Philippe Croze « sentait venir » cette démission. « On sentait que Yannick Morez était touché sur le plan familial, glisse-t-il. On peut regretter que les méthodes d’intimidation soient parvenues à faire plier un maire. On peut regretter aussi qu’il n’ait reçu aucun soutien de la part de l’État. Sa décision est un acte fort pour tous les élus. C’est un jour triste pour la démocratie. Ça va rester dans les esprits, c’est évident. »

Bien moins nombreux et bavards, certains habitants croisés ce jeudi matin se montrent peu préoccupés  par la démission du maire. « Les violences qu’il a subies, ce n’est pas normal bien sûr. Mais je pense que le maire a eu tort de s’entêter. Ce projet a mis le bazar dans la commune. Il valait peut-être mieux qu’il démissionne », estime Thierry *. « Tant mieux, il fallait écouter tout le monde. Mettre des migrants sans emploi à traîner près d’une école, c’est n’importe quoi », estime une jeune retraitée.

« Jamais le moindre souci avec les migrants »

Le projet vise à transférer l’actuel Cada sur un terrain proche du centre-ville vendu par la municipalité à l’État. Une école primaire se trouve à proximité et une soixantaine de logements doivent être construits juste à côté. L’actuel centre d’hébergement avait été ouvert en 2016 à la suite du démantèlement de la jungle de Calais. « Il y a eu depuis plus de 400 réfugiés passés à Saint-Brévin et il n’y a jamais eu le moindre souci, assure Philippe Croze. Les gens qui étaient dubitatifs au départ ont bien vu que ça se passait bien. Les oppositions sont essentiellement le fait de groupes extérieurs d’extrême droite. Le maire était convaincu qu’accueillir des demandeurs d’asile fait partie de la tradition française et je pense qu’il était soutenu pour ça. » « Je ne comprends pas les craintes. Il n’y a pas eu de problème avec les migrants à ma connaissance, confirme José. Il faut les aider à se loger pour qu’ils aient une chance de s’intégrer. N’oublions pas qu’on est nombreux à être des descendants d’immigrés. » « Ces pauvres gens il faut bien qu’ils aillent quelque part », estime Christiane.

Au-delà des habitants, Yannick Morez a reçu de très nombreux messages de soutien d’élus nationaux et locaux. « Je comprends ce besoin de se protéger, réagit Roch Chéraud, maire de Saint-Viaud, commune voisine. Mais quel gâchis orchestré par cette minorité, dont la plupart sont extérieurs à notre territoire. Ce cas est symptomatique de ce qui nous attend à brève échéance et de façon plus massive si l’État ne fait pas plus attention aux maires et aux élus. »

Les investigations de gendarmerie ont démontré le caractère volontaire de l’incendie survenu au domicile de Yannick Morez. Le parquet de Nantes a ouvert une enquête pour « destruction de biens par un moyen dangereux pour les personnes, commise en raison de la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique ». Personne n’a été interpellé à ce stade.

* Le prénom a été modifié à la demande de la personne interrogée