À quel prix la Grèce rembourse-t-elle les milliards de la France ?
En 2025, la Grèce reste le pays le plus endetté d’Europe, à 151,2 % du PIB, quand la dette publique française est à 115,8 % du PIB. En 2023, le taux de pauvreté en Grèce était de 19,6 %, contre 15,9 % en France selon l’Institut national de la statistique (Insee).
La Grèce a évolué. Les critiques concernant son niveau excessif de dette publique, qui l’a amenée à demander l’assistance du Fonds monétaire international et de l’Union européenne en 2010, sont désormais derrière elle. Les reproches des pays européens, notamment de l’Allemagne avec le slogan « pas un euro pour les Grecs ! » prononcé par la chancelière Angela Merkel en 2010, ont également cessé.
En 2025, la Grèce reste le pays le plus endetté d’Europe, affichant un taux de 151,2 % du PIB, tandis que la dette publique française s’élève à 115,8 % du PIB. Cependant, grâce à une forte croissance et à une rigueur budgétaire stricte, la République hellénique génère des milliards d’euros de surplus budgétaire primaire, lui permettant de rembourser ses créanciers en avance. Cette année, le pays a remboursé à la France 1,1 milliard d’euros, après avoir versé 1,7 milliard d’euros en 2024, alors que ses remboursements étaient initialement prévus entre 2033 et 2041. Cette aide financière est précieuse pour Paris, qui fait face à une crise de la dette publique.
« Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis publie des chiffres qui ravissent les créanciers et les institutions internationales. Et il prend un certain plaisir à montrer qu’il peut rembourser en avance, et ainsi affirmer que sa politique réussit », commente Joëlle Dalègre, maître de conférences émérite à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), spécialisée dans la Grèce moderne.
La réduction marquée des déficits publics est le résultat de mesures prises durant la crise. « La Grèce a appris à collecter l’impôt, ce que les gouvernements précédents faisaient très mal. Les impôts ont été augmentés et de nouveaux ont été créés, rappelle Joëlle Dalègre. De plus, de nombreuses privatisations ont eu lieu. » En conséquence, les dépenses publiques ont considérablement diminué : « Cela s’est traduit par une baisse des salaires des fonctionnaires de 30 %, leur 13e mois a été supprimé, ainsi que leur prime à Pâques. Tous les droits sociaux, relatifs au travail ou à la grève, ont été modifiés au nom de la flexibilité. » Concernant les retraites, précise la spécialiste, « elles ont diminué entre 20 % et 40 %, avec un départ à la retraite à 67 ans pour obtenir toutes ses cotisations. Et la Sécurité sociale a diminué de près de trois quarts depuis 2010. »
Joëlle Dalègre estime : « Si les finances publiques vont beaucoup mieux, je ne crois pas que l’économie grecque soit aujourd’hui en grande forme. Elle repose très fortement sur le développement du tourisme international, avec les problèmes que cela entraîne sur la mobilisation des ressources et les conséquences environnementales. »
Le satisfecit des autorités sur les finances publiques est perçu différemment par les Grecs. La grève du 9 avril dernier, réclamant des augmentations salariales et des mesures contre l’inflation et la crise du logement, a reçu un large soutien. Le mécontentement a refait surface en octobre, après l’adoption d’une loi permettant aux employeurs du secteur privé d’étendre la durée de travail jusqu’à 13 heures. Deux nouvelles grèves générales ont alors eu lieu.
« L’austérité n’est absolument pas terminée en Grèce. Les Grecs gagnent toujours moins qu’avant 2010 alors que l’inflation a augmenté, souligne Joëlle Dalègre. Le pouvoir d’achat des Grecs est, dans les faits, proche de celui des Bulgares, le plus bas d’Europe. Une génération de Grecs ne connaît que l’austérité, et une partie de la jeunesse, de ses cerveaux, elle, a fui. »
Un rapport du Comité européen des droits sociaux (European Committee of Social Rights) de 2025 critique la réponse de la Grèce à la crise, mentionnant des mesures souvent temporaires, via des primes, à destination des plus modestes. En 2023, le taux de pauvreté était de 19,6 % en Grèce, contre 15,9 % en France selon l’Institut national de la statistique (Insee). Pour redresser ses comptes publics, « sur la logique purement financière, la méthode grecque est mathématiquement efficace, souligne Joëlle Dalègre. Mais le prix social est très cher à payer. »

