A la recherche de l’ocarina perdu… Ils explorent le monde pour redonner vie aux instruments et musiques oubliés
Impossible de le ranger dans une seule case tellement le personnage est touche-à-tout. « Je suis musicien, compositeur, artisan-luthier, scientifique et bien plus encore », sourit Julian Cuvilliez. Installé dans la région de Morlaix (Finistère), ce Normand s’est très jeune pris de passion pour l’univers des bardes, promettant de venger Assurancetourix en faisant renaître la lyre, instrument disparu au fil des siècles. C’est d’ailleurs à lui que Guillaume Canet a confié la fabrication de la lyre de Philippe Katerine, à l’affiche l’an dernier du film Astérix et Obélix : l’empire du milieu dans le rôle du célèbre barde.
Compositeur à ses heures de musiques de jeux vidéo et de bandes originales de films, dont celle du Pacte gaulois, qui a été multirécompensée, le bientôt quadra passe le reste de son temps à parcourir le monde avec sa compagne Audrey Lecorgne. Pas pour se la couler douce mais pour déterrer les sons perdus des civilisations anciennes et redonner vie à des instruments ancestraux.
Un trésor conservé dans un musée à Mexico
A la tête du Pôle de recherche, d’interprétation et d’archéologie musicale (Priae), ils exercent tous deux comme archéomusicologues, auscultant les plus anciennes formes musicales de l’humanité pour en transmettre la mémoire. A peine revenu des Highlands écossais, après un séjour entre Grèce et Égypte en 2022, le couple s’envolera avec ses deux enfants fin janvier pour le Mexique, sur les traces de la légendaire civilisation maya. Baptisée « Le secret d’Itzamnà », leur mission, menée en partenariat avec des chercheurs de Buenos Aires (Argentine), va les conduire pendant plus de deux mois au cœur de la jungle Lacandone, dans les temples de l’ancienne cité maya de Palenque et dans les dédales du musée national d’anthropologie de Mexico, leur première étape.
Dans « le plus beau musée du monde », selon André Malraux, notre couple d’explorateurs aura le privilège d’accéder à un véritable trésor national soigneusement conservé à l’abri dans une chambre forte. « Il s’agit d’une dizaine d’instruments de la musique maya, des flûtes, des ocarinas ou des appeaux qui datent environ du Ve au Xe siècle », détaille Julian Cuvilliez, salivant à l’avance de les découvrir. Sur place, leur mission consistera à étudier dans le moindre détail ces instruments à vent millénaires en terre cuite à l’aide de technologies de pointe. « On utilise des scanners médicaux pour voir à l’intérieur de l’instrument et on numérise tout en 3D », précise-t-il.
La reconstitution à l’identique des instruments
Quand cela est possible – ce qui sera le cas cette fois –, les aventuriers bretons franchissent même les frontières temporelles en reconstituant à l’identique ces instruments tombés dans les oubliettes de l’Histoire. Par la magie de l’impression 3D à partir de moules en polymère, mais aussi grâce au talent d’artisans. « Il faut respecter l’outillage de l’époque, les matériaux, les techniques afin d’avoir la ressemblance la plus parfaite de l’instrument et le son le plus proche », décrypte Julian Cuvilliez, à chaque fois « ébahi » de redonner vie à ces objets ancestraux.
Sa compagne est quant à elle plutôt fascinée par la découverte de ces sonorités très anciennes et nouvelles qui « révèlent du mystère » et la « stimulent au quotidien ». Car non contents de les reconstituer, les deux archéomusicologues jouent aussi de ces instruments antiques, organisant des concerts et des tournées avec d’autres artistes. Sur les terres des Mayas, ils pousseront l’expérience avec un concert in situ dans le mythique Temple du Soleil pour une reconstitution du rituel antique de la cérémonie de la pluie. Une expérience sonore et immersive en plein cœur de la jungle qui sera bien sûr captée. Pour nous plonger, nous aussi, dans l’histoire de cette mystérieuse et fascinante civilisation maya.