A Gare du Nord, des voyageurs « philosophes » ou « coincés » et en colère s’interrogent sur « la bombe »

Il y a les énervés, en colère contre la SNCF. Et il y a les « philosophes », celles et ceux qui attendent sagement que le trafic reprenne. Alors qu’il était toujours interrompu à la mi-journée à Gare du Nord, suite à la découverte d’une bombe de la Seconde Guerre mondiale non explosée au milieu des voies ferrées au nord de Paris, quelques centaines de voyageurs et voyageuses prenaient leur mal en patience dans le hall, avec plus ou moins de résignation.
Parmi les personnes privées de train mais prenant la vie du bon côté, on trouve Alain, 61 ans, intermittent. Il devait partir pour Compiègne (Oise) avec le train de 10h32, pour retrouver un collègue et y passer le week-end. Il a eu le temps de rentrer chez lui, à Vincennes (Val-de-Marne), s’acheter un sandwich, dit-il, puis est revenu, espérant qu’un train se débloquerait. « Je me suis dit : on ne sait jamais ! » Entre-temps, le ministre chargé des Transports a annoncé que le trafic ne reprendrait pas avant 16 heures.
Des agents et agentes « super sympas »
« La situation est toujours la même depuis ce matin : on attend que la bombe soit enlevée. Il y a des trains qui partent de Gare de Lyon pour Lille-Flandres, parce que beaucoup de gens travaillent à Lille, mais en revanche tout le trafic Eurostar est annulé », expliquent deux agents particulièrement affables avec leur gilet rouge SNCF assistance. « Les agents SNCF sont super sympas et avenants, ils vous donnent tous les renseignements », constate Alain, pas rancunier. Il attendra que la situation se débloque.
Des équipes de volontaires de la SNCF ont été mobilisées pour orienter les usagers et usagères, « des gens des bureaux, qui font du bénévolat en cas de crise », expliquent les deux gilets rouges. La gare s’est un peu vidée par rapport à ce matin, observent-ils, sans doute parce que les voyageurs et voyageuses qui pouvaient reporter leur voyage l’ont fait, et qu’une partie des Parisiennes et Parisiens ont préféré attendre au chaud chez eux.
« Je suis coincée une fois de plus »
Samy, 22 ans, n’a selon lui pas eu le choix. « Mon sac est trop lourd, je ne peux pas sortir de la gare, c’est galère, alors j’attends ici. » Il devait prendre un train pour Calais (Pas-de-Calais), où il réside, à 10h30. Vu les délais de reprise du trafic annoncés, il a dû annuler sa soirée de travail dans un restaurant, prévue à partir de 18 heures Mais n’en conçoit nulle amertume. « Ce n’est pas de leur faute, c’est pas eux qui sont allés poser la bombe. ».
D’autres sont moins conciliants, comme Caroline, 45 ans, qui voyage très souvent en train, puisqu’elle travaille la semaine à Paris et rentre à Abbeville (Somme) tous les week-ends, rejoindre « son homme et ses enfants ». « Je suis coincée une fois de plus, quand ce ne sont pas les bombes, c’est une poule ou une chèvre sur les rails. Et il y a toujours des retards », s’agace-t-elle. Il faut dire que cette usagère est échaudée par un problème d’information. Sur l’application SNCF, un train était annoncé pour 13h30, elle est donc venue confiante à la gare, avant de constater sur place que ses espoirs allaient être douchés. « J’avais des rendez-vous médicaux pour ma fille, je ne peux pas les honorer. La SNCF est vraiment dans le top 3 des choses qui énervent le plus en France. Et puis même pas un service de bus mis en place, rien. Vivement la concurrence. »
« Bizarre », cette bombe ?
Dans les conversations, les gens devisent sur l’origine de cette bombe. Certains se demandent si c’est courant, d’autres cherchent des informations sur leur téléphone pour en apprendre plus sur le type d’engin, 500 kg tout de même. D’autres encore flirtent avec le complotisme. « Une bombe de la Seconde Guerre mondiale qui se déclare seulement maintenant, ça interroge », se demande Caroline, qui a pourtant un mari « géomètre » qui a déjà trouvé « des tas de bombes ». « Tout le monde au boulot trouvait cela bizarre, juste après l’intervention d’Emmanuel Macron [sur la guerre en Ukraine]. Des collègues ont suggéré que c’était peut-être les Russes, rapporte-t-elle. On n’a aucune confiance en notre président, donc forcément ».
Ce n’est pas la première fois pourtant que la découverte d’une bombe de la Seconde Guerre mondiale vient paralyser le réseau ferroviaire à Paris. En 2019, un obus retrouvé dans les Hauts-de-Seine avait interrompu le trafic entre la gare de Saint-Lazare et la proche banlieue ouest de Paris. Et nos sols conservent des centaines de millions d’explosifs des anciennes guerres.