France

À Châteaubriant, un cas rarissime de « crime de délaissement » après la mort d’un bébé de 8 mois

Une information judiciaire a été ouverte dimanche par le parquet de Nantes pour « crime de délaissement » après la mort d’un bébé de huit mois. Les quatre autres enfants de la fratrie – âgés de 8 mois pour le jumeau de la victime à 6 ans –, dans un état de « dégradation physiologique extrême », ont été placés en urgence.


Que s’est-il passé pendant de longs mois, peut-être des années, derrière les volets toujours fermés de cette petite maison HLM de Châteaubriant ? Une information judiciaire a été ouverte dimanche par le parquet de Nantes pour « crime de délaissement » suite à la mort d’un bébé de huit mois. Les quatre autres enfants de la fratrie – âgés de 8 mois pour le jumeau de la victime à 6 ans – ont été placés en urgence, présentant un état de « dégradation physiologique extrême ». Les parents ont été mis en examen et placés en détention provisoire.

« Dans le langage courant, on a tendance à parler de maltraitances, mais ce terme n’existe pas pour les êtres humains dans le Code pénal », souligne auprès de 20 Minutes le procureur, Antoine Leroy. Dans la majorité des affaires de maltraitance, d’autres infractions – des violences, parfois même des actes de barbarie… – y sont souvent liées. La notion de délaissement se définit par un manque de soins, un isolement, presque un abandon de l’enfant. « Le délaissement devient un crime lorsque cela entraîne la mort ou même une infirmité permanente d’un enfant de 15 ans », précise le magistrat.

En cas de décès, le délaissement est passible de trente ans de réclusion criminelle, vingt ans si l’infirmité (ou la mutilation) est permanente. Sinon, il s’agit d’un délit dont la peine peut aller jusqu’à sept ans de prison. Contacté, le ministère public n’a pas pu fournir le nombre de procédures concernant ce crime au cours des dernières années.

Une alerte a été lancée vendredi dernier, en début d’après-midi, par l’hôpital de Châteaubriant. Une femme de 25 ans s’y est présentée aux urgences avec son bébé de 8 mois, déjà décédé depuis trop longtemps pour envisager un protocole de réanimation. La question d’éventuelles maltraitances s’est rapidement imposée à l’équipe médicale. Comme prévu par le protocole, un signalement a été fait au parquet et les gendarmes ont été alertés. Le corps du nourrisson a été transporté au CHU de Nantes pour autopsie. Les conclusions de cette autopsie ne sont pas encore connues, mais des lésions et des ecchymoses ont été constatées sur le corps de l’enfant.

Une nécessité s’est ensuite imposée : s’assurer que les autres enfants de la famille ne subissent pas le même sort. La mère a quatre autres enfants. Les deux aînés de 5 et 6 ans sont issus d’une précédente union. Les deux plus jeunes, un enfant de 18 mois et le jumeau de l’enfant décédé, sont le résultat de sa relation actuelle avec un homme de 19 ans.

Transportés d’urgence au CHU de Nantes, les premiers examens médicaux ont révélé un « état de délaissement majeur et un état sanitaire hautement dégradé ». Selon nos informations, les professionnels ont constaté un manque flagrant de soins corporels. Les plus jeunes étaient couverts de crasse, notamment d’excréments. « Au-delà des éléments matériels, il y a l’attention qu’on porte à un enfant, à un bébé. Le laisser seul dans un coin, ne pas le regarder, ne pas interagir, c’est une mise en danger », souligne une source proche de l’enquête. Des analyses complémentaires sont également prévues pour déterminer s’ils souffrent de malnutrition, voire de sous-nutrition.

La perquisition effectuée par les gendarmes de Châteaubriant au domicile du couple a confirmé un environnement incompatible avec la présence d’enfants en bas âge. La saleté était extrême, et le lieu était jonché de détritus. Selon plusieurs sources, les enfants n’avaient pas de lit. Les voisins ont signalé à de multiples reprises, notamment auprès de la municipalité, que le jardin ressemblait à une déchetterie. De même, les chiens du couple, qui aboyaient constamment, étaient souvent signalés. En entrant dans la maison, les gendarmes ont découvert des animaux « faméliques » qui ont également été confiés à des associations.

Une autre question se pose dans ce dossier : le calvaire de la fratrie aurait-il pu prendre fin avant cette issue tragique ? L’Aide sociale à l’enfance avait émis deux signalements concernant cette famille qui refusait la présence de travailleurs sociaux. Le premier concernait les deux aînés, scolarisés en maternelle et en primaire. Le département demandait la mise en place d’une « mesure d’aide éducative ». Le second portait sur les trois plus jeunes, demandant « une mesure d’investigation éducative ». Cependant, le procureur insiste sur le fait qu’il ne s’agissait pas de saisines en urgence. Le 18 septembre, le juge des enfants a décidé d’une mesure d’aide éducative, comme le demandait l’Aide sociale à l’enfance. Que s’est-il passé ensuite ? Le parquet ne le sait pas.