«Â Câétait toxique, malsain » : couples séparés obligés de cohabiter à cause de la crise du logement
En Île-de-France, 1,3 million de personnes sont en situation de mal-logement, selon un rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés. Maéva, 44 ans, vit une cohabitation forcée depuis près de deux ans et demi avec son mari Moussa, 43 ans, qui est payé au Smic.

Être étudiant ou nouvel parent, voir sa famille s’agrandir… Trouver un appartement dans les grandes villes françaises devient un défi croissant face à la répétition des crises du logement.
En Île-de-France, 1,3 million de personnes vivent dans des conditions de mal-logement, selon un rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés. Un tiers des 12,3 millions d’habitants éprouvent des difficultés liées à leur habitation, des situations qui peuvent conduire à des conditions de vie indécentes, surtout pour les couples en instance de séparation qui souhaitent ne plus cohabiter.
« On n’arrivait pas à communiquer, c’était hyperdur »
« C’était un enfer », déclare Rose, Francilienne de 35 ans, récemment séparée. Fin 2024, elle a dû cohabiter avec son ancien partenaire pendant près de six mois dans leur appartement à Montrouge (Hauts-de-Seine), trop petit pour qu’ils aient leur espace. Son ex-conjoint met du temps à agir. À la procrastination s’ajoutent les difficultés pour trouver un logement abordable avec un seul salaire, suffisamment grand pour accueillir leurs trois personnes : Rose et son ex-compagnon ont deux enfants, Pauline*, 6 ans, et Martin*, 2 ans. « On s’est posé pas mal de questions sur comment gérer la séparation sans les perturber », explique la jeune femme.
La cohabitation imposée par le manque de solution se révèle vite complexe. L’ancien couple doit partager le même lit. Viennent alors la suspicion, la jalousie, les interrogations… « Il menait une sorte d’enquête sur mes soirées, ce n’était pas sain du tout. On n’arrivait pas à communiquer, c’était hyperdur… »
Les choses évoluent aussi dans le quotidien. Alors qu’il se chargeait des courses avant la séparation, la communication rompue complique la situation. « Comme on n’arrivait pas à se parler, on faisait chacun de notre côté ». Cela n’empêche pas son ex, encore aujourd’hui, de profiter du compte Netflix sans participer aux frais.
« Je paye plus que lui, voire je paye tout, il est déconnecté de la réalité, il va falloir que je lui en parle bientôt »
« Je ne vais pas ramener quelqu’un à la maison »
Une cohabitation contrainte que Maéva, 44 ans, partage depuis près de deux ans et demi avec son mari Moussa, 43 ans, salarié au Smic. « C’est mission impossible de se loger seule dans un appartement à Lyon pouvant accueillir nos filles correctement », s’inquiète la mère de famille.
Restés ensemble pendant dix-sept ans, ils ont acquis leur appartement à Lyon à un taux favorable. Grâce à une récente augmentation, Maéva peut assumer seule les dépenses. Lui ne souhaite pas signer pour des parts dans l’appartement. « Je ne sais pas comment ça va se passer mais son déménagement, c’est l’objectif de l’année », précise-t-elle.
Heureusement, leur cohabitation est plus harmonieuse qu’à Montrouge, chez Rose et son ex. « C’est presque plus agréable que lorsque nous étions en couple, il y a moins de tensions et une pression disparue ». Néanmoins, Maéva ressent un manque d’espace tant mental que physique. Ils ne dorment plus ensemble, Maéva passe ses nuits sur le canapé. Cette coexistence « n’est pas idéale pour se reconstruire et être disponible mentalement pour autre chose », pour une nouvelle relation. D’autre part, des questions pratiques se poseraient si elle rencontrait quelqu’un. « Je ne vais pas ramener quelqu’un à la maison, et lui non plus. Je ne vois pas comment une tierce personne pourrait s’intégrer dans cette situation ».
« On a encore beaucoup d’affection l’un pour l’autre »
Pour les enfants, la situation n’est pas simple non plus. Comment appréhender la séparation des parents tout en vivant ensemble ? « C’est une vie de famille : on a les mêmes habitudes, nos moments de joie, on part en vacances tous les quatre. On n’a juste pas de relations sexuelles », commente Maéva. Leurs deux filles, l’une en troisième et l’autre en cinquième, semblent bien vivre cette séparation un peu particulière.
Dans le cas de Rose, son ex-compagnon a finalement trouvé un logement grâce « à un bon plan d’une copine », dans le même quartier, près de l’école des enfants. Une fois la séparation officialisée par le déménagement, le plus jeune ne s’est pas trop rendu compte des changements et s’adapte facilement. Pour sa grande sœur, « c’est plus compliqué » de vivre les semaines alternées « chez papa et chez maman ». Cependant, depuis qu’ils ont chacun leur espace de vie, leur relation s’est apaisée. « On a encore beaucoup d’affection l’un pour l’autre, on s’aime beaucoup et finalement, on se dit qu’on a bien géré », se réjouit Rose.
*Les prénoms ont été modifiés

